Un livre particulièrement éclairant!
Justice et Paix, Pax Christi et la Faculté de sciences sociales et économiques de l’Institut catholique de Paris ont publié en février 2014 aux Editions de l’Atelier un ouvrage sur la dissuasion nucléaire: « La paix sans la bombe ? Organiser le désarmement nucléaire »
Ce livre présente d’abord les graves objections morales que rencontre la dissuasion. Comment accepter l’emploi d’une arme destinée à détruire des centaines, voire des millions de personnes sans distinction ?
Certes la dissuasion, dans son principe, ne repose pas sur l’emploi mais sur la menace de l’emploi. C’est précisément l’horreur d’un emploi possible de l’arme nucléaire qui doit susciter chez les belligérants potentiels une inhibition salutaire.
Mais un ordre international fondé sur la menace de l’anéantissement réciproque est-il pleinement moral ? L’arme nucléaire asservit l’homme à sa propre création technique en lui imposant sa logique de défiance mutuelle. Le secret qui l’entoure nuit à la démocratie. Les nations non nucléaires sont en situation d’inégalité radicale.
Pour rendre plus acceptable cette inégalité, le Traité de non-prolifération (TNP) de 1968 a établi un compromis : renonciation au nucléaire militaire par la quasi-totalité des États ; reconnaissance du « droit inaliénable » de tous à développer l’énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques ; acceptation du statut nucléaire de cinq pays, mais à condition qu’ils s’engagent à réduire progressivement leurs arsenaux nucléaires. La pérennité de ce régime ne pourra être assurée que si les États dotés de l’armement nucléaire tiennent leur engagement de désarmer.
Le risque de la prolifération est bien réel. Au-delà même du cas iranien, les candidats à l’industrie nucléaire se multiplient. Les contrôles sur les exportations et la logique de la force suffiront-ils à empêcher l’émergence de nouvelles puissances nucléaires ? En cas d’échec de la contre-prolifération, peut-on être assuré que les mécanismes de dissuasion fonctionneront comme dans l’ancien système bipolaire ?
S’agissant de la France, le livre soumet au débat quelques interrogations et propositions.
En particulier : approuver l’objectif ultime d’un monde sans armes nucléaires ; déclarer que la France n’emploiera pas l’arme nucléaire contre un pays adhérent au TNP et respectant ses dispositions ; surmonter les blocages constatés dans les négociations de désarmement (en vue de l’arrêt de la production de matières fissiles à usage militaire ou de la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient, par exemple) et assurer le succès de la prochaine Conférence d’examen du TNP prévue pour 2015 ; contribuer à la réduction des potentiels nucléaires tactiques en Europe ; participer activement aux recherches sur le perfectionnement des techniques de vérification.
La question du dimensionnement de l’armement nucléaire français est également posée : le principe de « stricte suffisance » est-il respecté ? Pourquoi développer de nouveaux systèmes nucléaires, sous-marins ou aériens ?
La dissuasion est, depuis l’origine, enfermée dans une logique nationale : le livre propose au contraire d’intégrer le fait nucléaire dans une doctrine de sécurité européenne, ce qui n’est possible que dans une perspective de réduction négociée.
L’armement nucléaire ne peut plus exercer aujourd’hui qu’une fonction subsidiaire et de réassurance jusqu’à ce que les progrès du désarmement permettent d’écarter l’hypothèse de résurgence d’une menace elle-même nucléaire. Dans une société internationale de plus en plus interdépendante, peut-on s’en tenir perpétuellement à des stratégies fondées sur la défiance et la menace mutuelles ?
* A commander à : Justice et Paix France, 58 avenue de Breteuil, 75007 Paris 13.50 € + frais de port