En dépit du prix Nobel décerné en 2009 à Barack Obama pour sa promesse d’un monde sans armes nucléaires et l’application du traité START de réduction des arsenaux nucléaires russes et américains, le monde est chaque année plus dangereux en raison de la modernisation des armes nucléaires. États-Unis et Russie se livrent à une course aux armements non plus numérique mais technologique, créant des armes plus précises et donc plus meurtrières. Malgré l’absence de débat public sur la question, de nombreuses personnalités, comme l’ancien secrétaire à la Défense d’Obama, Léon Panetta, s’inquiètent du coût de cette modernisation – 1 250 milliards de dollars pour les 30 prochaines années, 20,8 millions pour chaque bombe.
En effet, les lanceurs d’engins deviennent plus précis, les armes également. Les États-Unis ont mis au point une « bombe intelligente guidée », capable de se déplacer lors du largage vers la cible – tandis que la puissance des bombes devient modulable (de 0,3 à 340 kilotonnes, celle Hiroshima étant de 15 kilotonnes). Cela donne l’impression que l’on peut maîtriser un éventuel conflit nucléaire. Un porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a ainsi affirmé que cette nouvelle force nucléaire serait « moderne, robuste, souple, résiliente, prête, adaptée aux enjeux du 21e siècle ». En réalité, l’enjeu de cette modernisation n’est plus seulement la dissuasion, mais bel et bien l’utilisation de ces armes. Tout est fait pour créer des armes prêtes à l’emploi et effectives en situation de guerre. Leur utilisation est donc volontairement rendue de plus en plus envisageable, à l’image des tentatives russes de développer une bombe sale très puissante et transportable par drone sous-marin à travers l’Atlantique.
L’effort de modernisation est à mettre en parallèle avec celui de réduction des arsenaux nucléaires. La politique de modernisation a été une exigence des parlementaires républicains en contrepartie de la signature du traité START, avec l’idée que si les États-Unis sont limités dans leur nombre d’armes nucléaires, chaque arme doit être parfaitement opérationnelle et la plus destructrice possible.
L’avancement technologique des armes nucléaires, qui ne rentre pas dans le cadre du traité START, a rompu l’équilibre longuement et durement négocié entre les Etats-Unis et la Russie. Chaque pays tente à nouveau d’être le plus destructeur possible en accroissant les capacités de ses arsenaux restants. Selon le Bulletin of Atomic Scientists, les États-Unis auraient triplé le « pouvoir meurtrier » de leur arsenal balistique nucléaire. L’esprit des traités encadrant l’usage et la production des armes nucléaires – rendus en partie obsolètes en raison de cette course aux armements qui ne dit pas son nom– n’est donc pas du tout respecté, puisque la modernisation ruine les efforts pour instaurer la confiance et accroît le risque d’un conflit nucléaire.
Il apparaît nécessaire de prendre conscience du danger de la modernisation nucléaire, des nouvelles doctrines stratégiques qui ne sont clairement plus centrées autour de la dissuasion et du décalage entre les traités régulant les stocks nucléaires et l’avancée technologique de ces stocks. Les partisans du désarmement nucléaire doivent donc s’adapter à la nouvelle réalité de l’arme nucléaire et faire prendre conscience que la modernisation n’est pas juste une rénovation des stocks existants et qu’elle mérite un vrai débat public et parlementaire, car la menace est plus grande que jamais.
D’après un rapport de Scot Paltrow (édité par M. Williams)
Article de REUTERS du 21 novembre 2017, traduit par Simon Albert-Lebrun et résumé par Emilien Houard-Vial.