Ci-dessous un article paru dans Le Canard Enchaîné du 30 novembre 2016
Première devinette: qu’ont en commun des pays aussi différents que l’Afrique du Sud, l’Autriche, le Brésil, l’Irlande, le Mexique et le Nigeria? Ils veulent un monde sans armes nucléaires. Ils réclament leur élimination complète. Ils ont récemment déposé un texte (parrainé par 34 autres pays) pour que soit organisée l’an prochain une conférence des Nations unies qui aboutisse à un traité organisant l’interdiction totale et définitive de cette arme — et donc la destruction des arsenaux nucléaires.
Deuxième devinette : qu’ont en commun des pays aussi différents que la France, les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, Israël, la Corée du Sud, l’Australie, le Japon? Ils ont tous voté contre ce traité : ils ont la Bombe et ne veulent surtout pas s’en priver, font partie de l’Otan ou s’abritent sous le parapluie nucléaire américain.
Résultat du vote qui a eu lieu fin octobre : 123 pays pour, 38 contre (et 16 abstentions, dont la Chine). L’ONU va donc lancer cette conférence pour un monde sans Bombe. C’est une bonne nouvelle. Mais, en France, silence radio…
Si les candidats à la primaire de la droite, par exemple, ont parlé des doubles rations de frites, de Jeanne d’Arc et de la suppression de l’ISF pas un pour évoquer ce sujet. C’est qu’ils sont tous d’accord pour la garder, la Bombe. Et, à gauche, c’est pareil. C’est sur ordre de Jean-Marc Ayrault, ministre de Notre-Dame-des-Landes et des Affaires étrangères, que le chef de la délégation française a prétexte que l’interdiction de la Bombe aurait « un effet déstabilisateur pour ta sécurité nationale et internationale ». Pas touche à la dissuasion française voulue par de Gaulle juste après Hiroshima! C’est notre fierté, notre ticket d’entrée dans le club des Grands, et ça vaut bien qu’on lui consacre plus de 10 millions d’euros par jour(budget 2017: 3,87 milliards)…
Si les armes chimiques sont interdites depuis 1972 et les armes bactériologiques depuis 1993, les armes nucléaires sont, rappelle Jean-Marie Collin, vice-président d’IDN (Initiatives pour le Désarmement Nucléaire), les « dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction ». il reste encore 15000 ogives de par le monde en état de déclencher l’apocalypse nucléaire. Et la France, qui compte accroître ses capacités en la matière, a commencé à augmenter chaque année le budget « dissuasion de manière à le doubler d’ici à 2022…
Ancien ministre de la Défense, et donc sachant un peu de quoi il parle, Paul Quilès est un des rares à militer pour l’interdiction, et à clamer haut et fort que le vote de la France « est contradictoire avec tous les beaux discours sur la recherche d’une plus grande sécurité dans le monde et de la lutte contre la prolifération nucléaire ». II vient de lancer un appel au président de la République pour que, lors du vote de confirmation en assemblée générale à l’ONU, qui va avoir lieu en décembre, la France ne persiste pas dans son entêtement. Mais on imagine que ce mois-ci Hollande a bien autre chose en tête que le désarmement nucléaire. Désarmer Valls, voilà qui est plus important…
Jean-Luc Porquet