Jacques Villain, ingénieur français dont la spécialité fut les missiles et la propulsion spatiale, s’est dégagé du secret qui entoure l’arme nucléaire dans un livre intitulé « Le livre noir du nucléaire militaire ». Il faut saluer ce courage, même si ses propos restent ambigus sur la perspective d’un processus de désarmement.
Sans lyrisme, et sans parti pris militant, il analyse avec un esprit scientifique l’héritage de 70 ans de dissuasion nucléaire. Chapitre après chapitre, le dispositif nucléaire tant verrouillé, encadré et contrôlé est soigneusement disséqué et discuté. Plus précisément, il dénonce la perte de contrôle des Etats-Unis et de l’ex URSS de leurs propres armements.
Si le monde entier a été témoin de catastrophes nucléaires civiles comme Tchernobyl et Fukushima, il n’en a pas été de même pour les incidents liés au nucléaire militaire depuis 1945. Le grand public n’a été que peu informé des 5 sous-marins soviétiques et des 2 sous-marins américains, équipés de missiles nucléaires, qui ont sombré avec leurs réacteurs à bord dans les fonds marins, ou des 5 bombes nucléaires perdues par les Américains. S’est-on préoccupé des victimes irradiées par les 2400 essais nucléaires effectués ? Que fait-on pour éviter la contamination des eaux par les matériaux fissiles immergés ?
Les évolutions actuelles amènent Jacques Villain à s’interroger sur l’avenir de l’arme nucléaire alors que depuis la fin de la guerre froide l’ennemi n’est plus identifié, ou alors réside dans des mouvances terroristes non-étatiques.
Il pense que les Etats détenteurs de l’arme atomique ne sont pas près de l’abandonner. Il ne croit pas à la possibilité d’une phase de transition à court terme qui serait celle du début d’un processus progressif et multilatéral de désarmement. Il semble résigné à ce que perdure la dissuasion nucléaire.
Il pense que la France pourrait s’engager vers une modernisation des techniques et une réduction des stocks, ce qui va dans le sens de ce que font actuellement les pays détenteurs de cette arme, c’est-à-dire la forme nouvelle de la course aux armements. Après un ouvrage entièrement critique et alarmiste, sa conclusion tourne le dos au désarmement progressif multilatéral.