Préparer la réunion de l’OTAN, en attendant le prochain président des États-Unis
Les sommets de l’OTAN sommets sont en général l’occasion d’annoncer des décisions importantes, à l’issue de longues négociations entre les Alliés et de travaux internes. Ce fut le cas au Pays de Galles en 2014 quand il a été décidé de placer à nouveau la défense collective en tête de l’ordre du jour à la suite de l’annexion de la Crimée et de l’ingérence de la Russie dans l’Est de l’Ukraine.
Aucune décision de grande portée n’est à attendre à Varsovie à quelques mois de l’élection américaine. Mais il est probable que soit décidée une série d’actions dans le cadre du Plan d’action de préparation et du maintien du dialogue avec la Russie.
Le comportement actuel de la Russie oblige à trouver la réponse militaire adéquate. En même temps le dialogue avec la Russie reste d’une importance cruciale, parce que la sécurité ne peut être garantie uniquement par la dissuasion. Sans un échange de vues entre des adversaires potentiels, toute réaction militaire risquerait d’envoyer des signaux erronés et d’alimenter l’escalade, l’instabilité et elle créerait par conséquent une plus grande insécurité, en particulier dans un contexte où les armes nucléaires sont présentes.
De plus, les problèmes mondiaux, tels que le programme nucléaire de l’Iran ou la guerre civile syrienne, sont actuellement traités entre la Russie, les Etats-Unis et quelques autres Alliés en dehors des canaux de l’OTAN. Bien que presque tous les Alliés participent d’une manière ou une autre à la coalition contre l’État soi-disant islamique, l’OTAN devrait maintenir un profil bas en ce qui concerne le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, notamment en raison de sa mauvaise image dans ces régions.. Cependant il serait utile d’avoir un débat à l’intérieur de l’OTAN sur ces questions, afin que tous les Alliés soient convaincus de la nécessité d’un dialogue avec la Russie, chaque fois que les intérêts de sécurité communs ont été constatés. Ce serait une contribution appréciable au renforcement de l’unité de l’Alliance, car elle favoriserait une meilleure compréhension mutuelle entre les Etats membres.
Un nouvel équilibre doit donc être trouvé entre la dissuasion et le dialogue, conformément à la politique de l’OTAN définie de longue date dans le rapport Harmel en 1967. Il serait hautement souhaitable à cet égard de respecter strictement les engagements pris dans l’Acte fondateur sur les relations Russie-OTAN. L’OTAN devrait continuer à réduire le déploiement permanent des forces de combat en Europe centrale et orientale, ce qui ne s’oppose pas à ce que soient prises des dispositions temporaires pour assurer la présence tournante de ces forces, aussi longtemps que le comportement russe l’exigera. Les membres de l’OTAN devraient également respecter leurs engagements en ce qui concerne les armes nucléaires tactiques et réaffirmer qu’ils n’ont ni l’intention ni de raison de déployer des systèmes en Europe centrale et orientale. Une offre de négociation devrait également être faite clairement à la Russie en ce qui concerne le désarmement nucléaire dans le domaine des armes tactiques. Cette démarche devrait naturellement aller de pair avec un dialogue renouvelé sur la défense antimissile balistique, afin de parvenir à une plus grande transparence mutuelle.
Les échanges avec la Russie sur les questions de défense doivent également être repris pour des raisons pratiques. Des dispositions pour éviter les conflits entre les avions russes et ceux de la coalition ont été adoptées en Syrie. Pourquoi des dispositions similaires ne pourraient-elles pas être prises en Europe afin d’éviter une escalade militaire involontaire? Idéalement, le Conseil OTAN-Russie serait le lieu approprié pour de telles dispositions et il pourrait être réactivé au moins à cette fin.
L’OTAN devrait aussi soutenir les mesures contribuant à la sécurité commune, comme la transparence prévue dans le Document de Vienne de l’OSCE, et soutenir leur renforcement. Des seuils de forces plus bas devraient être définis pour les notifications d’exercices. Il devrait y avoir de plus larges possibilités d’inspection pour les exercices planifiés à l’avance, ainsi que des mécanismes d’inspection améliorés pour les exercices organisés sous faible préavis.
Au-delà de ces dispositions pratiques, la sécurité et la stabilité seraient renforcées s’il était convenu de fixer des plafonds de force de part et d’autre, et de les vérifier par des échanges et des inspections de données détaillées. Pour des raisons évidentes, la Crimée devrait être laissée hors de l’accord.
En ce qui concerne la situation de l’Est de l’Ukraine, les sanctions et les démonstrations militaires ne peuvent suffire. Les accords de Minsk doivent être davantage soutenus. Tout en prenant en compte les grandes responsabilités russes dans le déclenchement et l’encouragement à la violence, on ne peut pas fermer les yeux sur l’échec du gouvernement ukrainien et du Parlement à respecter les engagements qu’ils ont pris, notamment en ce qui concerne le statut de la région du Donbass. Le président polonais, Andrzej Duda, a invité l’Ukraine à participer au Sommet de l’OTAN à Varsovie. Les pays de l’OTAN auront la possibilité à cette occasion d’exprimer pleinement leur soutien à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, mais ils auront aussi à suivre de près les progrès réalisés par l’Ukraine dans la mise en œuvre des accords de Minsk et, plus généralement, dans les réformes internes concernant en particulier la lutte contre la corruption et la restructuration de l’économie.
D’une manière plus générale, les Européens doivent être attentifs à une évidence: quel que soit le nouveau président des États-Unis, la présence militaire américaine en Europe n’atteindra jamais les mêmes niveaux que pendant la Guerre froide, malgré les plans actuels qui prévoient un accroissement modéré. En conséquence, les dirigeants de l’Union européenne doivent être prêts à faire plus pour la sécurité commune de l’Europe en terme de capacité militaire, mais surtout en terme de dialogue politique avec tous les pays voisins.
Paul Quilès