L’OTAN s’apprête à fêter son 70ème anniversaire mais les dernières bougies ne seront pas encore éteintes que déjà reviendra se poser avec force la question de son avenir.
Un bref retour en arrière. L’organisation du Traité de l’Atlantique Nord – OTAN – a été créée en 1949 pour assurer la défense de l’Europe et de l’Amérique du Nord face à la menace soviétique. Le Pacte de Varsovie sera ainsi l’adversaire désigné de l’OTAN entre 1955 et 1991. Après la fin de la Guerre Froide en 1991 et la dissolution de l’URSS, l’Alliance atlantique a perduré malgré la disparition de sa principale raison d’être. Dans ce nouveau contexte stratégique l’OTAN, privée d’ennemi, s’est mise en quête d’une nouvelle légitimité et à l’instigation des Etats Unis, s’est considérée comme le bras séculier des Nations Unies et a cherché à étendre ses missions sur des théâtres extérieurs.
Aujourd’hui, dans un paysage géostratégique radicalement modifié par la multiplication et la transformation des enjeux de sécurité, l’OTAN peine à offrir une réponse cohérente et pertinente. A ces hésitations sur sa mission viennent s’ajouter des menaces qui sapent les fondations et les racines de sa légitimité.
L’OTAN déstabilisé
La première menace qui pose à la fois des questions structurelles et existentielles est celle du désengagement américain.
Depuis la création de l’OTAN les Etats Unis ont constitué sa colonne vertébrale à la fois financière, militaire et conceptuelle or celle-ci est sur le point de disparaître. Déjà sous la présidence de Barack Obama la nouvelle orientation stratégique du « shift » vers l’Asie avait commencé à ébranler l’édifice mais les déclarations à l’emporte-pièce du Président Donald Trump ont été un véritable séisme pour cette organisation.
Le mandat de Donald Trump a commencé par un premier camouflet à la solidarité transatlantique. Lors de sa visite à l’OTAN en mai 2017, il a délibérément omis de réitérer le soutien américain à l’Article V du Traité Nord-Atlantique selon lequel toute attaque contre un pays allié est une attaque contre l’Alliance.
Puis lors du sommet de l’OTAN de juillet 2018 à Bruxelles, il a menacé les Alliés de se retirer de l’organisation si l’objectif de 2% de dépenses militaire par rapport au PNB n’était pas atteint au 1er janvier 2019.
En octobre 2018, Trump a annoncé sans avoir consulté ses Alliés, le retrait américain du Traité sur Forces Nucléaires Intermédiaires (FNI) conclu avec l’URSS en 1987 en prétextant une violation de ses dispositions par la Russie. Certes, ce traité est bilatéral et l’OTAN n’y est pas directement partie. Toutefois, les missiles nucléaires éliminés par cet accord étaient bien déployés sur le territoire de plusieurs pays alliés.
Dernier avatar de l’attitude du Président Trump envers les Alliés : l’annonce surprise du retrait unilatéral des forces américaines déployées en Syrie aux côtés de celles de plusieurs pays membres de l’OTAN , dont la France, pour lutter contre l’Etat islamique.
On pourrait rajouter à cette longue liste d’avanies infligées à l’OTAN bien que celle-ci ne soit pas directement concernée le retrait américain de l’accord iranien – JCPOA – au grand dam des pays européens, membres de l’OTAN, signataires de cet accord.
Enfin, cerise sur le gâteau, la proposition faite par le président américain au nouveau président brésilien de rejoindre l’OTAN.
La deuxième menace pour l’OTAN est celle de sa position vis-à-vis de la Russie. En effet, le conflit ukrainien a pu être considéré comme une opportunité afin que L’OTAN retrouve sa légitimité en se recentrant sur sa mission historique et mette fin, en particulier, aux dissensions entre les pays européens sur la priorité à accorder aux menaces venant de l’est ou du sud. En revanche en faisant de la Russie son ennemi principal et en faisant monter la pression par une escalade militaire avec les forces russes, l’OTAN empêche un dialogue indispensable avec la Russie et de ce fait met en péril la sécurité européenne, d’autant plus que la présence d’armes nucléaires des deux côtés a pour conséquence de faire, à nouveau, de l’Europe un possible champ de bataille nucléaire.
La troisième menace est celle de l’ambiguïté de la Turquie, membre de l’OTAN mais qui joue son propre jeu sans tenir compte le plus souvent de la solidarité otanienne et qui, de surcroît détient sur son sol des armes nucléaires tactique américaines mises à la disposition de l’OTAN.
Enfin, la sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne ajoute un élément supplémentaire d’incertitude sur l’avenir de l’OTAN.
Dans ces conditions la question que l’on doit se poser est celle l’utilité de l’OTAN. A quoi sert l’OTAN ?
Le couple dialectique OTAN-Défense européenne
Une réponse logique à cette mise en cause profonde de la légitimité de l’OTAN serait que les pays européens prennent en main leur propre sécurité et se lancent avec détermination dans la construction d’une véritable défense européenne.
Mais ceci repose sur une volonté commune, une ambition partagée. Force est de constater que cette vision commune n’existe pas et que de nombreux pays européens restent très attachés à l’OTAN.
La réalité veut donc que ces deux organisations, l’une d’une Europe de la Défense naissante et l’autre d’un OTAN déclinant coexistent encore un temps certain.
Pour faire vivre ce couple, qui pourrait devenir infernal, il est maintenant nécessaire d’imaginer des solutions nouvelles qui permettent à l’Europe d’acquérir une véritable autonomie stratégique.
Conclusion
L’OTAN traverse une crise existentielle profonde et qui semble, dans le contexte stratégique prévisible, durable. La question de la pérennité de cette organisation se pose donc avec acuité.
Au-delà de la prise de conscience de cette perte de légitimité, il est urgent pour les pays européens et en particulier la France, de trouver les solutions qui permettront à l’Europe de faire face aux nouveaux enjeux de sécurité.