Par Jean-Luc Lefèbvre, membre du Bureau d’IDN
Je suis un ami des Russes et, pour être franc, il y a trois ans je ne connaissais pas grand-chose à l’Ukraine en dehors de ses compétences remarquables en matière de lanceurs spatiaux hérités de l’époque soviétique.
Dans la nuit du 23 au 24 février 2022, lorsque sur ordre du président Vladimir Poutine, les troupes russes envahissent l’Ukraine à partir de la Russie, de la Biélorussie et des territoires ukrainiens déjà occupés depuis 2014 (la Crimée et les républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk), le monde hérité de la guerre froide bascule dans la barbarie.
Je suis un ami des Juifs qui ne sont pas tous sionistes, également des Israéliens qui ne sont pas tous juifs. Je suis un ami des Perses et des Arabes. Je voue une compassion particulière à tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants qui souffrent au Proche-Orient depuis des décennies à cause des conflits successifs.
Cependant, les attentats perpétrés le 7 octobre 2023 par les terroristes du Hamas contre les enfants d’Israël ont atteint un niveau de barbarie inégalé depuis les atrocités nazies. Leurs auteurs doivent être poursuivis, arrêtés, traduits en justice et condamnés à l’issue d’un procès équitable, car c’est ainsi que les démocraties se comportent. En revanche, les dirigeants de l’État d’Israël ont commis une faute capitale en répondant à l’effroyable barbarie du 7 octobre par le massacre indifférencié de la population gazaouie sous un tapis de bombes durant des mois. Les responsables de ces assassinats devront répondre de crimes de guerre devant la juridiction compétente.
Les bombardements opérés récemment contre des cibles au Liban, suivis d’une incursion terrestre dans le Sud-Liban sont également des actes de guerre répréhensibles.
L’État d’Israël doit son existence à la bienveillance des puissances occidentales et au soutien indéfectible des États-Unis d’Amérique. Il est le dépositaire des valeurs humanistes que la Torah et la Bible défendent depuis des millénaires. Il est le diapason dans le concert des nations, à ce titre il doit se montrer exemplaire.
En aucun cas, les autorités israéliennes ne doivent céder à la vengeance qui est, rappelons-le, la peine causée à un offenseur pour la satisfaction personnelle de l’offensé(1). La vengeance est humainement compréhensible. Elle demeure moralement inadmissible. Elle est légalement interdite.
Après le XXe siècle sanguinaire qui a vu nos prédécesseurs s’étriper dans deux effroyables guerres mondiales, puis confier son salut à l’accumulation d’un arsenal nucléaire en capacité d’éradiquer toute vie sur Terre, au XXIe siècle l’humanité plongera-t-elle dans la barbarie avant de déclencher l’holocauste nucléaire ?
NON ! Cela ne sera pas, car nous l’empêcherons !
Comment y parvenir ?
Afin de contrer la propagande mortifère et les émotions négatives que sont la peur et le désir de vengeance, forgeons pour l’humanité tout entière un dôme de protection constitué de vérité, de courage et d’amour.
Vérité tout d’abord !
La peur et les comportements de soumission qui donnent lieu à tous les débordements sont générés par l’ignorance et l’endoctrinement. Au Moyen-Âge, on brûlait les sorcières, car on leur attribuait la responsabilité des événements inexpliqués.
De tous temps, il était facile d’exclure et de condamner l’étranger, surtout lorsque celui-ci est intelligent, cultivé, travailleur et donc capable de s’enrichir… Les Juifs répondant souvent à ces critères ont focalisé la vindicte populaire depuis la haute Antiquité. Avec les moyens de propagande moderne admirablement maîtrisés par le régime nazi, il était aisé d’apporter la « solution finale » à tous les malheurs des Allemands. Le fait est que des millions de citoyens en Allemagne et en Europe conquise se sont montrés complices de l’extermination des Juifs, pour le moins de manière passive.
Aujourd’hui, c’est l’étranger de culture différente qui est la cible des partis extrémistes partout en Europe, également ailleurs dans le monde. À l’heure où le taux de fécondité des Françaises n’a jamais été aussi faible, le discours sur le « grand remplacement » séduit les oreilles sans cerveau.
Pour combattre cette peur qui s’appuie sur l’obscurantisme réinventé à l’époque des réseaux sociaux véhiculant des théories du complot, il faut restaurer la vérité en développant les connaissances de base et le bon sens par l’éducation. Ce n’est pas un hasard si les régimes intégristes remplacent la formation générale par l’interprétation dévoyée d’un livre saint et maintiennent les jeunes filles dans un état d’infériorité en leur refusant l’accès au savoir. Les régimes autoritaires quant à eux développent le culte de la personnalité du leader dès le plus jeune âge et la soumission à l’autorité. Là encore, l’antidote est l’accès à la vérité qui est volontairement cachée, mais qui finit toujours par éclater au grand jour.
Cette expression de la vérité peut se manifester de manière brutale. La chute du couple dictatorial roumain, Nicolae et Elena Ceaușescu, arrêtés le 22 décembre 1989, puis jugés, condamnés et exécutés trois jours plus tard à l’issue d’une procédure expéditive, en est un terrible exemple.
Contre la néfaste propagande : vérité, vérité, vérité !
Courage, ensuite !
Il ne suffit pas de rechercher et de défendre la vérité, il faut trouver le courage de combattre la barbarie. La guerre en Ukraine nous en procure l’occasion.
Le comportement de Vladimir Poutine depuis 2014 est analogue à celui d’Adolf Hitler dans les années 1930. Utilisant alternativement le mensonge et la force, la Russie s’est invitée dans un différend interne à l’Ukraine en soutenant les indépendantistes du Donbass, puis en annexant habilement la Crimée. Tout comme lors de l’entrevue de Munich, lorsque MM. Daladier et Chamberlain ont cédé le territoire tchécoslovaque des Sudètes à Hitler dans le but de préserver la paix, les Occidentaux ont tout fait pour ne pas « humilier » la Russie dont le comportement était inacceptable en droit international. Plus encore, lorsque les colonnes de chars russes sont montées à l’assaut de l’Ukraine, pas un seul État n’a eu le courage de s’engager sur le terrain pour repousser l’invasion par peur des représailles de la Russie, puissance nucléaire.
Certes, les membres de l’Alliance atlantique ont renforcé les mesures économiques contre la Russie et ont fourni des armes et des munitions à l’Ukraine. Dans les faits, les Ukrainiens sont les seuls à combattre.
Après deux ans et demi de défense acharnée où l’Ukraine joue sa survie en tant qu’État souverain, le président Zelensky en est réduit à quémander sans cesse aux États-Unis et aux Européens des armes et des munitions en qualité et en quantité suffisantes. Tout se passe comme si l’aide apportée à l’Ukraine était volontairement limitée, afin d’interdire la reconquête des territoires occupés par l’armée russe, de peur des représailles éventuellement nucléaires contre les alliés de l’Ukraine.
Nos dirigeants répètent vouloir la libération de l’Ukraine : alors, qu’ils aient le courage d’apporter les moyens de la victoire à cette nation agressée, même si le risque d’être engagés dans le conflit n’est pas nul.
Contre la peur : courage, courage, courage !
Un an après les actes de barbarie du 7 octobre 2023, une grande partie du monde a sombré dans le chaos. En Europe, la guerre contre l’Ukraine s’éternise dans l’indifférence grandissante des démocraties trop préoccupées de leurs petits tracas internes.
Au Proche-Orient, après avoir pratiquement éradiqué le Hamas au prix de milliers de victimes et de millions de sinistrés dans la bande de Gaza, l’État israélien s’est retourné contre son ennemi du Nord, le Hezbollah dont il a décapité l’organisation. Les civils libanais ne sont pas à l’abri de ce que les militaires appellent pudiquement les « effets collatéraux » des frappes aériennes. Les Israéliens eux-mêmes sont menacés par les vagues de missiles iraniens qui saturent la défense aérienne.
Dans les zones de conflit la haine est attisée. Même dans les démocraties les mieux établies, des discours haineux sont proférés sans retenue ; l’actuelle campagne électorale présidentielle aux États-Unis en est un triste exemple !
Que faire pour endiguer ce cercle vicieux ?
Il n’y a qu’une réponse, c’est l’amour du prochain.
« Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d’un même navire », écrivait Antoine de Saint-Exupéry, qui s’était pourtant battu durant la Seconde guerre mondiale.
Constat de bon sens !
Il n’y a pas un nombre variable de navires-États qui voguent librement à la surface de la planète Terre (actuellement 195 États-membres des Nations Unies), mais une unique humanité qui doit rassembler toutes ses ressources pour faire face aux défis du XXIe siècle. Ce n’est pas en cultivant la haine et en dressant les États les uns contre les autres que nous résoudrons les problèmes du navire planétaire dont nous formons le curieux équipage.
Non ! Il n’y a qu’une voie de salut, c’est d’apprendre à nous aimer et à nous entraider.
Contre la haine : amour, amour, amour !
Propagande mensongère, entretien de la peur et incitation à la haine sont les modernes cavaliers de l’Apocalypse qui entraînent dans leur sillage le quatrième cavalier qui n’a pas changé de nature, mais de dimension : c’est celui de la Mort. À l’ère nucléaire, cette dernière n’est plus individuelle, puisque le génie et la folie des hommes nous ont procuré les moyens d’exterminer l’humanité tout entière.
Contre les trois cavaliers du mensonge, de la peur et de la haine qui entraînent la Grande Faucheuse dans leur cavalcade infernale, la vérité, le courage et l’amour incarnent la voie de l’harmonie et de la survie de l’humanité. Pratiquons ces vertus au quotidien et contribuons à les rendre contagieuses : contre la barbarie, cette pandémie peut sauver le monde !
(1) Dictionnaire de l’Académie française