Le 3 janvier 2022, les chefs d’État ou de gouvernement des cinq puissances nucléaires parties au Traité de Non-Prolifération (TNP), soit la Chine, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, ont publié une déclaration « pour prévenir la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements ». Ce texte était destiné à la Conférence d’examen du TNP qui aurait dû s’ouvrir à New York le 4 janvier mais a dû être reportée une troisième fois, probablement au mois d’août, pour cause de pandémie.
Comme de nombreuses organisations de la société civile, IDN avait demandé aux dirigeants des puissances nucléaires d’adopter la doctrine proclamée par Reagan et Gorbatchev en 1985 selon laquelle « une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». Les présidents Biden et Poutine ont réaffirmé cette déclaration lors de leur sommet de Genève en juin 2021. Il est important que les Cinq, donc y compris la France, se soient enfin ralliés à cette demande de nombreux pays et de la société civile.
Le but de cette réaffirmation, comme l’indique le titre de la déclaration du 3 janvier, est de réduire le risque de guerre nucléaire, ce dont il faut évidemment se féliciter. Déjà en 2010, la Conférence d’examen du TNP s’était dite « vivement préoccupée par les conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire qu’aurait l’emploi d’armes nucléaires ».
Parmi les mesures présentées comme une contribution à la réduction du risque de guerre nucléaire, les Cinq mentionnent le « déciblage », affirmant qu’« aucune de nos armes nucléaires ne prenait pour cible l’un d’entre nous ou un quelconque autre État », ce qui suscite à la fois l’intérêt et le scepticisme. En revanche, ils ignorent le « dé-alertage » demandé par de nombreux pays et la société civile compte tenu des quelque 2 000 armes nucléaires susceptibles d’être lancées avec un préavis de quelques minutes possiblement en réponse à une fausse alerte ou un piratage informatique. Ils ignorent encore la revendication du « non-emploi en premier », à laquelle on sait le président Biden favorable, et qui exclurait des frappes nucléaires en riposte à des attaques non nucléaires.
Somme toute, les Cinq ne donnent aucune véritable suite concrète à leur volonté d’éviter tout emploi d’arme nucléaire, qu’il soit intentionnel, accidentel ou non autorisé. Ils font même leur la volonté, lancée sous Trump, de « mettre en place un environnement de sécurité permettant d’accomplir davantage de progrès en matière de désarmement ». Autant dire renvoyer aux calendes toute élimination effective des armes nucléaires malgré les engagements pris dans l’article VI du TNP. Comment les programmes actuels de modernisation des armes nucléaires mis en œuvre par toutes les puissances nucléaires pour plusieurs décennies et des milliards d’euros contribuent-ils à cet « environnement de sécurité » ? Et comment en même temps « prévenir la poursuite de la dissémination de ces armes » et continuer à les rendre attrayantes aux proliférateurs en leur attribuant la capacité d’assurer la sécurité ultime de leurs possesseurs ?
IDN reste convaincue, comme de nombreuses organisations de la société civile et les 122 États qui ont adopté le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), que la seule voie « pour éviter la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements » passe par l’élimination progressive, multilatérale et vérifiable des armes nucléaires.