Pour une nouvelle approche de la sécurité
Nous nous félicitons de l’initiative d’ELN de lancer un appel aux dirigeants européens à quelques jours du Sommet qui débattra de la politique de défense de l’Union Européenne.
Cet appel a été signé notamment par Paul Quilès et Bernard Norlain, parmi 70 personnalités politiques et militaires de 18 pays européens. Il demande que soient rapidement prises des décisions concrètes pour une meilleure sécurité en Europe.
Nous apprécions particulièrement l’affirmation que l’armement nucléaire ne doit plus constituer le cœur des politiques de sécurité de la zone euro-atlantique et que, parmi les priorités affichées, figurent des mesures concernant la diminution, voire la suppression des arsenaux pour certaines catégories, ainsi que l’abaissement significatif des seuils d’alerte.
Résumé de l’appel
(voir l’intégralité de l’appel et les noms des 70 signataires)
Pour la première fois depuis 2008, les chefs de gouvernement européens vont se rencontrer dans quelques jours à Bruxelles pour discuter de la Politique de défense de l’Union Européenne.
Attendue depuis longtemps, cette discussion se focalisera probablement sur la Politique de Défense et de Sécurité Commune (PEDSC), en négligeant la question des anciennes et profondes tensions de sécurité au sein même de l’Europe, qui ne sont toujours pas apaisées. En effet, il y subsiste toujours des systèmes d’armes et des postures militaires héritées de la Guerre froide qui constituent autant de menaces pour la sécurité de tous les Européens.
Une des plus importantes contributions à cette sécurité serait donc que les gouvernements concentrent leurs efforts sur la sécurité mutuelle dans la région Euro-Atlantique. Cette région, qui inclut tous les pays européens, les Etats Unis et la Russie, comprend six des dix plus fortes économies mondiales, quatre des cinq grandes puissances nucléaires et plus de 95% des arsenaux nucléaires. D’importantes forces nucléaires stratégiques y restent déployées en alerte maximum, prêtes à être lancées en quelques minutes ; des milliers d’armes nucléaires tactiques sont encore stockées en Europe, et le débat – déjà ancien – sur la défense anti-missile n’a toujours pas trouvé d’issue. De plus, les nouveaux défis de sécurité que constituent les forces de réaction rapide, la cyber sécurité et l’espace ne sont toujours pas abordés et traités de façon satisfaisante.
Ce statu quo est dangereux et potentiellement déstabilisant. Il sape le climat de confiance indispensable à l’instauration d’une coopération permettant d’affronter les menaces pour la sécurité de l’Europe et du monde. Nos peuples sont en train d’en payer le prix. Non seulement les risques pour leur sécurité augmentent, mais la situation actuelle accroît les coûts de la défense et soustrait des ressources aux budgets nécessaires pour répondre aux priorités nationales et aux défis urgents de sécurité. C’est ainsi que les modernisations à venir des équipements nucléaires de la région doivent absorber au moins 500 Mds de $ !
Il devient indispensable d’adopter une nouvelle approche stratégique de la sécurité. C’est pourquoi, dans une déclaration publiée cette semaine par ELN (European Leadership Network), nous plaidons, avec 70 personnalités politiques, civiles et militaires de toute l’Europe, pour une nouvelle approche de la construction de la sécurité mutuelle dans la région Euro-Atlantique.
Cette déclaration souligne l’urgence d’engager une concertation nouvelle, continue et dynamique, qui devra prendre en compte toutes les capacités offensives et défensives, les armes nucléaires et conventionnelles ainsi que la cyber-sécurité et la militarisation de l’espace. Le rôle des armes nucléaires doit être réduit, de façon à ce qu’elles ne constituent plus le cœur des politiques de défense. Un ensemble de mesures communes doivent être prises pour diminuer les seuils d’alerte et accroître ainsi les temps de décision dans les périodes de tension et dans les situations incertaines. La stabilité sera renforcée par la transparence, la coopération et la confiance, ce qui éliminera la crainte d’une attaque surprise par l’un ou l’autre des Etats de la région Euro-Atlantique.
Pour rendre effective cette nouvelle approche, un Groupe de Contact sur la Sécurité Euro-Atlantique, informel et sous mandat politique, devrait être constitué. Son rôle serait de développer les principes fondateurs de la concertation, de définir le profil des personnalités civiles et militaires de chaque pays qui pourraient être chargées de conduire le processus et de déterminer les thèmes à aborder. De nouvelles pistes de concertation sur des thèmes spécifiques pourraient être également explorées de façon bilatérale ou multilatérale et dans des sous-régions de la zone Euro-Atlantique.
Les priorités de cette concertation concerneraient la résolution des difficultés concernant les armes nucléaires, la défense anti-missiles, les forces conventionnelles en Europe et les forces de réaction rapide, ainsi que les nouveaux défis de sécurité comme la cyber-sécurité et le déploiement des armes dans l’espace.
Si une telle approche pour construire une sécurité mutuelle dans la région Euro-Atlantique est entreprise, elle garantira à nos concitoyens un avenir plus sûr et porteur d’espoir. Nous sommes face à une occasion historique, mais peut-être aussi fugace. Nous demandons aux responsables de nos pays d’assumer leur part de responsabilité et d’agir.