Soixante et onze ans après les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, le monde est entré dans une nouvelle ère nucléaire, potentiellement plus dangereuse. En effet, les risques liés aux armes nucléaires et aux matières nécessaires à leur production sont aujourd’hui en augmentation autour du globe.
Regardons cela de plus près. Il y a aujourd’hui neuf pays avec des armes nucléaires, qui détiennent un arsenal capable de détruire toute vie telle que nous la connaissons, pour notre génération et celles à venir. Et il y a assez d’uranium enrichi et de plutonium pour construire des dizaines de milliers de bombes dans vingt-quatre pays, dont la plupart sont peu sécurisées et donc vulnérables à un vol par des terroristes.
Les Etats-Unis et la Russie, qui détiennent la grande majorité des armes nucléaires, continuent de poursuivre une modernisation de leurs arsenaux nucléaires, quel que soit le coût et le danger de cette nouvelle course aux armements de l’après Guerre froide. Il faut savoir qu’avant même que ces modernisations ne soient faites, les armes nucléaires américaines et russes étaient déjà cent fois plus puissantes que les armes nucléaires utilisées sur Hiroshima et Nagasaki.
Pendant ce temps, d’autres puissances nucléaires poursuivent leur propre programme de remplacement et de modernisation. C’est ainsi que de nouveaux entrants dans le « Club nucléaire », comme la Corée du Nord, l’Inde ou le Pakistan, travaillent tous à améliorer la portée, la capacité de destruction et de survie de leurs arsenaux.
Aujourd’hui, avec plus d’Etats nucléaires, des armes nucléaires plus destructrices, l’existence de nombreuses animosités régionales et de nouvelles technologies telles que « le cyber » – qui peuvent perturber la stabilité de l’ancien statu quo nucléaire- , nous ne sommes plus à l’abri d’une catastrophe nucléaire.
Il y a quelques mois, des survivants d’Hiroshima ont accueilli le Président des Etats-Unis à leur mémorial et ils l’ont entendu réengager les Etats-Unis dans la voie d’un monde sans armes nucléaires.
Ces survivants savent mieux que quiconque, malgré les progrès réalisés, qu’il y a beaucoup plus de travail et de progrès à faire pour être certain qu’aucune ville dans le monde ne fasse plus jamais l’objet d’une catastrophe nucléaire. Autour du monde, les chefs d’Etat doivent prendre des mesures pratiques visant la réduction des risques nucléaires et les citoyens devraient exiger qu’ils le fassent. Par exemple :
-
Les Etats Unis et la Russie, qui détiennent 90% des armes nucléaires et des matériaux fissiles mondiaux, doivent trouver un moyen de coopérer pour s’assurer que ni l’Etat islamique ni aucune autre organisation extrémiste ne puisse mettre la main sur des armes nucléaires ou sur des matériaux permettant de les fabriquer.
- En se basant sur les progrès réalisés lors des Sommets sur la Sécurité Nucléaire, les leaders mondiaux devraient sécuriser et éliminer les matières fissiles vulnérables recherchées par les terroristes. Ils devraient développer un système de sécurité nucléaire global et efficace, qui tienne les Etats pour responsables de la sécurité de ces matériaux.
- Les Etats-Unis et la Russie devraient se réengager dans un processus pour assurer une stabilité stratégique mutuelle et faire reculer la perception croissante, partagée par les deux parties, qu’ils menacent leurs intérêts vitaux. Ceci est crucial pour inverser la nouvelle course aux armements qui vient de commencer.
- Les Etats-Unis devraient travailler plus intensément avec leurs alliés en Corée du Sud et au Japon, et bien sûr avec la Chine, pour traiter le problème du programme d’armement nucléaire nord-coréen.
Il est facile de tourner le dos à une tâche qui semble trop importante. Il est facile de laisser la responsabilité de la sécurité nucléaire aux gouvernements et aux organisations internationales, aux scientifiques et aux experts techniques, dont nous croyons qu’ils sont les meilleurs pour assurer notre sécurité face à cette menace existentielle. Il est facile de penser que, puisque nous sommes arrivés jusqu’à ce jour sans aucune nouvelle détonation nucléaire, nous n’avons pas à nous inquiéter. Il est facile de croire qu’en tant que citoyens, nous sommes trop « petits » pour contribuer à un quelconque progrès pour résoudre un problème si complexe.
Cette façon de penser est fausse. Le changement peut se manifester lentement, mais il ne viendra pas si les citoyens ne le demandent pas.
On sait que des progrès sont possibles. Depuis le pic atteint pendant la Guerre froide, au milieu des années quatre-vingt, nous avons vu les arsenaux russes et américains être réduits à hauteur de 85%. Au cours de la seule année précédente, nous avons été témoins d’une communauté internationale travaillant à améliorer la sécurité des matières nucléaires, à prévenir le terrorisme nucléaire et à parvenir à un accord ambitieux pour empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire.
Alors que nous commémorons les bombardements atomiques sur le Japon, nous devrions appeler nos représentants à redoubler d’efforts pour empêcher un « Hiroshima des temps modernes ». Ce serait une catastrophe qui surpasserait celle engendrée par les bombardements de 1945 et qui, malheureusement, est toujours possible.
Par Joan Rolfing, Présidente de la Nuclear Threat Initiative – NTI
* Tribune publiée dans le Huffington post Etats-Unis le 4 août 2016, sous le titre « Remembering Hiroshima Amid Rising Nuclear Risks ». Traduction IDN.