Malgré la fin de la Guerre froide, le risque d’utilisation d’armes nucléaires reste très fort, principalement parce que la politique d’emploi de ces armes n’a pas changé.
Pourtant, un débat se fait jour aux Etats-Unis sur l’adoption d’une politique de « non emploi en premier » (No First Use -NFU) des armes nucléaires. Cette mesure serait une avancée indéniable dans la perspective d’une plus grande sécurité pour tous, mais elle ne semble pas pour l’instant être soutenue par la France et certains membres de l’OTAN…
D’une certaine façon, ce débat a débuté à Prague le 5 avril 2009, lorsque le président Obama a déclaré vouloir « mettre un terme à l’esprit de la guerre froide » en réduisant « le rôle des armes nucléaires dans notre stratégie de sécurité nationale ». Le 6 juin dernier, Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale de la Maison Blanche, a indiqué que « cette pensée traversait toujours l’esprit du Président ». Dès lors, des parlementaires et des experts américains ont multiplié les actions pour soutenir cette démarche.
En quoi consiste-t-elle ? Il s’agirait d’une déclaration des Etats-Unis indiquant qu’ils n’utiliseraient pas en premier leur arsenal nucléaire, destiné à riposter en cas d’attaque nucléaire. Cette posture renforcerait considérablement la sécurité mondiale, en réduisant le risque d’emploi, en améliorant la confiance et les perspectives de nouvelles réductions des stocks d’armes nucléaires. Le fait d’annoncer une telle politique ne rendrait plus nécessaire le déploiement de milliers d’armes nucléaires américaines prêtes à être utilisées en quelques minutes, réduisant ainsi les risques de tension et d’escalade militaire Ce serait un signe positif et d’apaisement, au moment où toutes les puissances sont lancées dans une course à la modernisation.
Sur les 5 puissances nucléaires reconnues par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), seule la Chine a ouvertement admis qu’elle mettait en pratique une telle politique. Il en va de même pour l’Inde, bien qu’étant une puissance nucléaire « non-officielle ». Si un tel engagement était adopté par les neuf pays nucléaires, ce serait pour Carlo Trezza (ancien ambassadeur italien) « une percée majeure dans l’environnement stratégique de confrontation actuelle dans laquelle les risques d’une guerre nucléaire ont considérablement augmenté ».
Il n’est pas inutile de rappeler que les 5 puissances nucléaires membres du TNP se sont engagées à agir en ce sens et que le Document final du TNP de 2010 (mesure 5, acceptée à l’unanimité) les invitait à :
« Réduire encore le rôle et l’importance des armes nucléaires dans tous les concepts, doctrines et politiques militaires et de sécurité. »
« Examiner les politiques susceptibles d’empêcher le recours aux armes nucléaires. »
Cette mesure a également été recommandée par des résolutions votées par l’Assemblée parlementaire de l’OSCE (soit 57 États d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Europe) en juillet 2015 et en juillet 2016 (notons le vote positif des parlementaires français).
Il est regrettable que la France ne soutienne pas une telle démarche, en considérant qu’elle pourrait affecter sa propre doctrine d’emploi, qui n’exclut pas de procéder à « un avertissement de nature nucléaire », avant même d’être attaquée ! Cette frappe nucléaire unique aurait pour objectif de montrer à un adversaire potentiel la détermination de la France à utiliser, si besoin, l’ensemble de ses armes nucléaires. L’objectif serait, selon cette doctrine, de « rétablir la dissuasion »…