Helsinki : les deux présidents ont jugé utile et nécessaire de discuter du désarmement nucléaire

Lors d’un sommet historique à Helsinki le 16 juillet 2018, le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine se sont entretenus pendant deux longues heures sur la situation du monde et des relations entre leurs deux pays. La question nucléaire faisait partie des dossiers clés à aborder par les deux hommes. Perçue comme une occasion unique d’inverser la spirale dangereuse de la concurrence nucléaire et de stabiliser les relations nucléaires, la rencontre, à défaut d’amener des actes concrets, a permis de renouer le dialogue en matière nucléaire.

Le sommet était particulièrement attendu : le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine se sont rencontrés pour la première fois en dehors des grands forums internationaux ce lundi 16 juillet 2018. A Helsinki (Finlande), les deux hommes se sont entretenus pendant plus de deux heures en seule présence de leurs deux interprètes. Ils ont déclaré avoir abordé plusieurs dossiers clés, comme la question du règlement des conflits en Syrie et en Ukraine, l’ingérence russe dans les élections présidentielles américaines et la question nucléaire. Et, après une conférence de presse catastrophique de la part de Donald Trump vue de l’Occident, les discussions sur le nucléaire pourraient être le seul point positif découlant du sommet.

Depuis les années 1950, les armes nucléaires représentent à la fois un élément déterminant et un danger persistant dans les relations entre les Etats-Unis et l’URSS, puis la Russie. Les deux superpuissances ont flirté à plusieurs reprises avec la guerre nucléaire, avant de négocier des traités avec l’autre partie pour le contrôle des armes nucléaires. Pourtant, les risques nucléaires entre les deux puissances sont encore bien trop élevés. Les deux Etats possèdent plus de 90% du total mondial des armes nucléaires, totalisant à eux deux plus de 13 000 ogives nucléaires : 6 850 pour la Russie, dont 1 444 opérationnelles, et 6 450 pour les Etats-Unis, dont 1 350 déployées. Et le danger n’a jamais été aussi proche : les relations entre Moscou et Washington sont au plus bas depuis la fin de la Guerre Froide. Les négociations et le désarmement des Etats nucléaires signataires du TNP sont au point mort. Chaque Etat modernise et remplace son arsenal nucléaire, et les accords existants sont menacés.

Les Traités New START et INF au cœur des problèmes.

C’est donc un euphémisme que de dire que Vladimir Poutine et Donald Trump étaient particulièrement attendus sur le terrain du désarmement nucléaire, ce sommet ayant été perçu comme une occasion unique de stabiliser les relations nucléaires et d’inverser la spirale dangereuse de la concurrence nucléaire. Ils ont confirmé avoir discuté longuement des dangers nucléaires menaçant la sécurité internationale. Poutine a notamment annoncé avoir remis à Trump des propositions sur la non-prolifération des armes de destruction massive, concernant la prorogation du Traité New START sur les armes stratégiques offensives, les problématiques liées au développement du bouclier antimissile américain, le respect du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) et le déploiement d’armes nucléaires et conventionnelles dans l’espace.

Mikhaïl Gorbatchev et le président Bush signent une déclaration énonçant les grandes lignes du futur accord sur la réduction des armements stratégiques. Le 31 juillet 1991, Etats-Unis et U.R.S.S. signent le traité START I qui n’entre en vigueur qu’au mois de décembre 1994.

En effet, l’accord New START, signé en 2010 et qui plafonne les arsenaux stratégiques déployés de chaque côté à 1 550 ogives et 700 systèmes de livraison stratégiques – des missiles balistiques intercontinentaux, des missiles balistiques lancés par des sous-marins nucléaires ou des bombardiers nucléaires –, expirera en février 2021. Il pourrait être prolongé de cinq ans sur simple accord des deux présidents, sans négociations complexes ou approbation du Sénat américain ou de la Douma russe. Son extension jusqu’en 2026 signifierait que les forces nucléaires américaines et russes continueraient d’être réglementées et vérifiées par la partie adverse. La transparence sur les forces offensives de l’autre se fait par un échange de données et des inspections communes, imposant ainsi des limites importantes à la concurrence nucléaire stratégique. Si les deux présidents semblent être d’accord pour la prolongation du Traité – les limites du New START ont été prises en compte dans le plan de modernisation des armes nucléaires des Etats-Unis –, Vladimir Poutine a cependant émis des réserves sur la question de la réalisation des clauses par les Etats-Unis, accusant Washington de ne pas respecter entièrement le Traité.

Le différend à propos du Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (INF) est plus complexe. Signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, il interdit la possession de missiles balistiques et de croisière sol-sol d’une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres. En 2014, les Etats-Unis ont accusé la Russie d’avoir violé l’INF en testant un missile de croisière lancé au sol. En retour, Donald Trump a proposé le développement de nouvelles options nucléaires à faible puissance violant aussi le Traité. Le climat s’est d’autant plus tendu que chaque président présente une rhétorique belliqueuse quant à ses armes nucléaires : aux nouveaux systèmes du Kremlin pour « cimenter la parité nucléaire avec l’OTAN », Washington répond avec un vaste plan de modernisation de ses armes.

Quelles solutions ?

Ces deux accords sont pourtant cruciaux pour la sécurité internationale. S’ils échouent, il n’y aurait, pour la première fois depuis 1972 *, plus de limite juridiquement contraignante à l’expansion des arsenaux nucléaires américains et russes, à l’exception du TNP que les deux Etats n’ont jamais respecté dans sa globalité. Moscou s’est aussi inquiétée de la défense antimissile américaine et de la question des armes conventionnelles de précision et des segments spatiaux de la dissuasion nucléaire. A l’inverse, les Etats-Unis veulent limiter les actions russes et la poursuite du développement de nouvelles armes, comme la torpille nucléaire sous-marine de longue portée. Mais les deux puissances doivent d’abord proroger le Traité New START. Cela rendra possible de nouvelles négociations pour un Traité de plus grande envergure.

La nouvelle torpille lourde française F21

Il est aussi urgent de résoudre les problèmes de conformité induits par le Traité INF. Le redéploiement d’armes à portée intermédiaire constituerait un recul important dans la lutte contre la prolifération nucléaire, et chaque capitale entre Londres et Moscou serait de nouveau sous la menace. Plusieurs mesures pourraient être prises par les deux Etats pour réintroduire de la confiance dans les discussions : la possibilité d’inspections spéciales peut être envisagée pour répondre aux questions sur le nouveau missile de croisière de la Russie ou sur le site de défense antimissile américain en Roumanie. Les deux présidents pourraient aussi publier des directives visant à accroître le temps de décision pour réduire le risque d’accident nucléaire, ou discuter de mesures pour réduire les cyber-risques inhérents aux armes nucléaires par exemple.

Les dossiers nord-coréen et iranien.

A l’issue du sommet du 16 juillet, Vladimir Poutine a également affirmé que les deux présidents avaient discuté de la « réduction des armes nucléaires à travers le monde », de la sécurité d’Israël, mais aussi de deux dossiers nucléaires brûlants : la Corée du Nord et l’Iran. Impliquée de longue date dans les pourparlers avec le régime nord-coréen sur l’arrêt de son programme nucléaire, la Russie ne s’opposera pas à l’objectif de dénucléarisation de la péninsule coréenne. Poutine a salué les contacts noués par son homologue avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. La coopération entre la Russie et les Etats-Unis dans ce dossier serait même une réussite précieuse de nature à entraîner une réduction des tensions entre les deux Etats.

Un accord possible sur le dossier iranien s’avère plus épineux. Trump a annoncé avoir discuté avec son homologue de la nécessité d’arrêter les ambitions nucléaires iraniennes et « les activités déstabilisatrices qui se déroulent en Iran », mais on peut douter que les deux présidents soient sur la même longueur d’onde. Alors que Trump a retiré les Etats-Unis du JCPOA, l’accord signé en juillet 2015 qu’il considérait comme trop largement favorable à l’Iran, Poutine a rappelé que l’initiative américaine ne doit pas signifier la fin de l’existence du JCPOA, et qu’il n’existe pas d’alternative à cet accord.

De l’avis de tous, Helsinki représente le commencement d’un processus visant à réduire progressivement les tensions entre la Russie et les Etats-Unis. Le sommet aura marqué le début d’un dialogue renouvelé entre les deux grandes puissances. En matière nucléaire, les deux présidents ont jugé utile et nécessaire de discuter désarmement, traités et limitation des armes stratégiques. C’est un premier pas pour le renouveau des négociations de Traités de réduction bilatérale des armes nucléaires. Il faut désormais que les paroles se traduisent en actes, notamment avec la prolongation du Traité New START. Donald Trump a d’ores et déjà proposé de recevoir son homologue russe à Washington dans les mois à venir.

Article de Solène Vizier, membre du Bureau d’IDN (avec la collaboration de Michel Drain, Marc Finaud, membres du Bureau, et de Paul Quilès, Président).

(*) Premier traité bilatéral SALT entre les Etats-Unis et l’URSS réduisant le nombre d’armes stratégiques de chaque côté.

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