La Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblé nationale a auditionné le 29 juin l’Amiral Charles-Henri Leulier de La Faverie du Ché, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense. Il s’agissait de connaître les points de vigilance de la France concernant les négociations avant le Sommet de l’OTAN.
L’Amiral a expliqué que la France a « beaucoup poussé pour redonner à l’OTAN sa culture nucléaire » ! « Même si nous ne participons pas au comité des plans nucléaires, nous sommes très attachés à cette culture nucléaire notamment dans les circonstances présentes. Il faut donc remettre la doctrine nucléaire de l’OTAN à l’ordre du jour. Ce n’est pas facile car un certain nombre de pays européens sont ambivalents : ils sont à la fois très contents de disposer du parapluie américain mais, parallèlement, ils passent leur temps à affirmer qu’il faut désarmer. Cela demande beaucoup de négociations pour parvenir à un message ferme sans être agressif.»
Il est assez rare de disposer d’une parole aussi limpide qui montre le pouvoir d’influence de la France au sein de cette structure militaire, et tout particulièrement sur le sujet du nucléaire. Cette volonté de « redonner à l’OTAN sa culture nucléaire » s’explique par le fait que, dans 4 Etats (Belgique, Pays-Bas, Italie, Allemagne) qui disposent d’armes nucléaires américaines pré positionnées (B 61), il existe une volonté des parlementaires et de la société civile de voir ces armes quitter leur territoire. Quant aux gouvernements de ces Etats, qui ont participé au Groupe de travail de l’ONU pour faire avancer les négociations sur le désarmement nucléaire (février et mai 2016), ils deviennent effectivement « ambivalents » comme le dit l’Amiral, en raison :
- Du coût financier de leur force aérienne, qui doit être adaptée pour transporter des armes nucléaires ;
- Des risques (terrorisme, accident) inhérents à la possession de ces armes sur leur sol ;
- De la prise en compte de la pression internationale pour éliminer ces armes nucléaires;
- De la contradiction entre la possession de telles armes et le respect de leurs obligations légales en vertu des traités internationaux.
La France craint de voir ces Etats décider unilatéralement, comme l’avaient fait le Canada en 1984 et la Grèce en 2001, de ne plus partager le fardeau nucléaire otanien. Cette crainte n’est pas liée à la perte du rôle militaire de ces armes, dont l’utilité serait toute relative dans un conflit. En effet, le rôle de ces armes a toujours été qualifié de politique et la France semble consciente qu’en perdant leur culture de la dissuasion, ces Etats pourraient devenir des alliés de poids des 127 Etats signataires de l’Engagement humanitaire , qui vise à « à identifier et prendre des mesures efficaces pour combler le vide juridique pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires ». La France, isolée et seule puissance nucléaire du continent européen, subirait alors des pressions politiques de plus en plus fortes de la part des pays « désarmeurs », comme de la société civile européenne.
Dans son intervention, l’Amiral a balayé cette inquiétude en reprenant le discours traditionnel, qui fut celui de la Guerre froide: « Un certain nombre de pays sont en effet des « désarmeurs ». La France est évidemment favorable au désarmement, qui reste le but final. Mais dans l’intervalle, nous sommes partisans d’un langage ferme et équilibré. »
Dommage qu’aucun parlementaire n’ait relevé ces paroles, car toute la question est de savoir combien de temps va durer « cet intervalle » avant de parvenir à ce qui est présenté comme « le but final » !