Dans cette tribune publiée par La Croix, Paul Quilès, ancien ministre de la défense, président d’IDN, interroge de façon précise les candidats à la prochaine élection présidentielle quant à leur position en matière d’armement nucléaire.
**************
Bien que le sujet n’occupe guère le débat public, je suppose que les candidats à la prochaine élection présidentielle connaissent l’étendue des attributions du président de la République en matière de défense et plus particulièrement de dissuasion nucléaire.
Il n’est peut-être pas inutile cependant de faire certains rappels et de formuler quelques interrogations.
Depuis 1964, la pratique institutionnelle confie au président de la République le pouvoir de donner l’ordre d’engagement des forces nucléaires. De cette prérogative découle, sous réserve des compétences budgétaires du Parlement, le pouvoir de prendre les principales décisions relatives à la composition des forces nucléaires et à leur doctrine d’emploi.
Cette pratique a été instaurée dans un contexte géopolitique bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Or, dans un climat international où l’on entend de plus en plus souvent parler de « nouvelle course aux armements » et de risque de « guerre nucléaire », force est de constater qu’en France, la dissuasion nucléaire est abordée, dans tous les débats publics sur la défense, de manière trop générale et globalisante. Des formules vagues, voire simplistes, comme celles de « l’assurance vie de la nation » ou de la « suffisance » sont avancées pour défendre la nécessité des armements nucléaires existants ou en projet sans véritable argumentation de fond.
L’examen attentif et objectif de la dissuasion et de ses moyens est pourtant essentiel, puisque cette stratégie engage par nature la survie même de la nation.
J’ai donc soumis aux cinq principaux candidats quelques questions précises et concrètes, afin de permettre aux citoyens dont ils sollicitent les suffrages d’être éclairés sur la façon dont ils pourraient exercer cette terrible responsabilité.
Ces questions sont les suivantes :
1- Approuvez-vous l’attitude des autorités françaises, qui, le 23 décembre 2016, ont refusé de voter à l’Assemblée générale de l’ONU la résolution L41 (approuvée par une large majorité d’États, 113 contre 35) qui ouvre le processus de négociation d’un traité d’interdiction des armes nucléaires ?
2- Accepterez-vous que la France participe aux travaux de préparation de ce traité, qui vont se dérouler à l’ONU au cours du 1er semestre 2017 ?
3- Considérez-vous que la France, signataire du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), respecte son article VI, qui stipule : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace »?
4- Entendez-vous mettre en œuvre les projets actuels de modernisation des deux composantes navales et aéroportées des forces nucléaires, malgré leurs conséquences financières (passage à 6 milliards d’euros par an des crédits de la dissuasion) et leur contradiction avec les engagements de l’article VI du TNP ?
5- Comment envisagez-vous un déblocage des négociations de désarmement nucléaire, en ce qui concerne tout particulièrement l’application du TNP, l’interdiction complète des essais, l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire et l’institution d’une zone libre d’armes de destruction massive au Moyen-Orient ?
6- Considérez-vous l’accord international sur les activités nucléaires iraniennes comme une contribution positive à la lutte contre la prolifération nucléaire, qu’il importe donc de défendre ?
7- Souscrivez-vous à l’objectif à terme d’un monde sans armes nucléaires, tel que l’énoncent de nombreux textes adoptés tant par l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité des Nations Unies ?
Je souhaite que les réponses des cinq candidats apportent les clarifications indispensables à une meilleure compréhension de leurs positions à l’égard de l’armement nucléaire.