Quelle défense pour l’Europe ?

La défense de l’Europe et l’OTAN

Avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, l’Europe doit s’interroger sur son propre futur au sein de l’OTAN, selon Paul Quilès, ancien ministre de la défense et président d’IDN (Initiatives pour le Désarmement Nucléaire).

Tribune parue le 22 mai 2019 dans Ouest-France

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A une semaine des élections européennes, les questions internationales demeurent largement absentes d’une campagne électorale dominée par la crise sociale. La Terre continue pourtant de tourner hors de France et d’Europe, et elle tourne mal. Les crises et les conflits, qu’ils soient militaires ou économiques, sont nombreux. Le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, l’Afrique, ou encore l’Europe, toutes les régions du monde sont touchées.

On peut s’interroger sur le cas du Yémen et des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis, alors qu’une résolution du Parlement européen, ignorée par la France, enjoignait aux États membres de l’Union Européenne de cesser toute livraison d’armes aux belligérants.

On peut s’interroger sur le retour des crises impliquant le nucléaire, avec l’Iran, avec la Corée du Nord, entre l’Inde et le Pakistan, des crises qui pourraient demain embraser des régions entières. C’est un sujet sur lequel l’association que je préside, Initiatives pour le Désarmement nucléaire (IDN) alerte depuis de nombreux mois au même titre que l’abaissement dangereux du seuil de recours aux armes nucléaires et la nouvelle course effrénée aux armements.

On peut surtout s’interroger sur la quasi-absence de débat dans cette campagne électorale sur la défense européenne et l’OTAN. Si plusieurs listes veulent renégocier les traités européens fondateurs pour réorienter la politique de l’UE, aucun candidat ne pose sérieusement la question de la défense de l’Europe.

Confrontée à une multiplication des menaces extérieures, l’Europe voit pourtant sa sécurité s’éroder. Elle ne peut plus compter sur l’OTAN, dont l’utilité est questionnée depuis la fin de la Guerre froide. Face à un paysage géostratégique radicalement modifié, l’Alliance peine à offrir une réponse diplomatiquement et militairement cohérente. Elle est aussi remise en question dans son fonctionnement actuel par les États-Unis. Convaincu que l’OTAN représente une charge inutile pour son pays, le président américain Donald Trump porte depuis son élection des attaques répétées et multiplie les mises en garde envers ses partenaires européens. Il fait pression sur eux afin qu’ils augmentent leurs acquisitions d’armements américains.

Face à des menaces transnationales auxquelles il ne peut être répondu dans le cadre strictement national et donc par la dissuasion nucléaire, l’Europe doit désormais s’interroger sur son propre futur au sein de l’OTAN. Alors que Donald Trump s’évertue à rejeter les institutions multilatérales et les accords internationaux précédemment signés, la question de la sécurité européenne est plus que jamais d’actualité.

Se pose alors la question d’une défense proprement européenne, avec une ambition d’intégration militaire rendue possible par les traités, avec la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), mais des actions concrètes plutôt timides, des moyens matériels limités et un dissensus sur le contenu de l’Europe de la Défense toujours plus évident. La construction d’une véritable défense européenne repose sur une volonté commune, une ambition partagée, qui n’existent pas aujourd’hui.

Malgré la multiplication des coopérations militaires et industrielles, l’Europe reste inapte à résoudre des crises aussi bien internes qu’externes. L’Union européenne possède 27 cerveaux pour un seul bras – la PESC – et la règle de l’unanimité rend laborieux le processus de décision. Elle apparaîtra incapable de prendre en main son destin tant qu’elle ne se sera pas émancipée de l’OTAN, en commençant notamment par clarifier le statut des arsenaux nucléaires français et britannique au sein de l’Alliance atlantique.

Il devient urgent que l’Europe surmonte ses divergences et adopte une position commune sur la prise en compte de la menace nucléaire qui pèse à nouveau sur le territoire européen. Initiatives pour le Désarmement Nucléaire exhorte la France à dénoncer l’alignement de l’OTAN sur le retrait américain du traité FNI (Forces Nucléaires Intermédiaires) et à négocier avec la Russie le retrait de toutes les armes nucléaires « tactiques » du sol européen. Car ce sont bien les pays européens qui deviendraient des cibles en cas de conflit nucléaire.

Enfin, l’Europe doit résoudre les problèmes liés à sa capacité de décision et à son indépendance matérielle. La concrétisation du Fonds européen de la défense et de l’Initiative européenne d’intervention ne sont qu’un début. Pour renforcer son autonomie stratégique, l’Europe doit mettre en place un quartier général européen commun – idée proposée par la France mais rejetée par l’Allemagne- et créer une base industrielle et technologique européenne de défense pour améliorer l’interopérabilité des équipements militaires.

Une Europe de la défense peut-elle coexister aux côtés de l’OTAN, sans remettre en cause l’organisation transatlantique, tout en étant maîtresse de ses décisions ? Répondre à cette question devient une urgente nécessité.

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