Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Non-Prolifération (TNP) en 1970, les États ont promis de limiter la prolifération des armes nucléaires et de travailler à leur élimination. Ce traité repose sur trois grands principes : empêcher la diffusion des armes, encourager leur désarmement, et garantir l’usage pacifique de l’énergie nucléaire. L’article VI exige que tous les États parties au TNP négocient de bonne foi pour mettre fin à la course aux armements et progresser vers un monde sans armes nucléaires.

Cependant, plus de cinquante ans plus tard, les progrès restent limités. La modernisation des arsenaux, les tensions géopolitiques et les intérêts stratégiques freinent les avancées. Malgré plusieurs conférences (1995, 2000, 2010) et des engagements renouvelés, le manque de volonté politique et les contradictions inhérentes aux doctrines de dissuasion empêchent toute réelle progression.

Cette analyse, en s’appuyant sur le 2024-npt-briefing-book, explore ces obstacles en détail. Elle examine les contradictions entre les engagements pris par les puissances nucléaires et leurs actions concrètes, tout en évaluant comment le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) pourrait combler ces lacunes et revitaliser l’objectif de désarmement prévu par le TNP.

L’Échec du TNP à atteindre ses objectifs de désarmement

L’article VI du TNP demande aux États parties, y compris les puissances nucléaires, de négocier pour arrêter la course aux armements et désarmer. Cependant, elles ne respectent pas cet engagement et modernisent au contraire leurs arsenaux, ce qui va à l’encontre des principes du traité.

Lors de la conférence de 2022, les États n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un document final à cause de désaccords persistants, notamment sur l’application de l’article VI. Les puissances nucléaires ont préféré des déclarations de principe plutôt que des actions concrètes ou des délais clairs. Le Briefing Book rappelle que depuis les engagements pris en 1995, 2000, et 2010, les avancées restent rares. Les treize étapes pour réduire les arsenaux, proposées en 2000, n’ont jamais été véritablement mises en œuvre. À la conférence de 2022, des désaccords, comme celui sur la centrale de Zaporijjia, ont encore empêché tout consensus.

Malgré les promesses de réduire l’usage des armes nucléaires, les puissances continuent de les voir comme essentielles pour leur sécurité. En 2023, la Pologne a par exemple affirmé que la sécurité des États ne devait pas être sacrifiée au profit des objectifs du TNP, ce qui montre bien le dilemme entre sécurité nationale et désarmement.

La modernisation des arsenaux : une contradiction avec les engagements de désarmement

Un des plus grands obstacles au désarmement nucléaire reste la modernisation des arsenaux par les puissances nucléaires. D’après le Critical Will – Briefing Book 2024, tous les États dotés d’armes nucléaires modernisent leurs arsenaux, en les améliorant et en développant de nouvelles capacités, malgré les engagements de désarmement du TNP.

Les États-Unis, par exemple, ont lancé leur plus grand programme de modernisation depuis le Projet Manhattan, en augmentant leur production de plutonium et en développant de nouveaux missiles intercontinentaux. La Russie et la Chine font de même, en construisant de nouveaux missiles balistiques et en agrandissant leurs infrastructures de production. Ces efforts vont à l’encontre de l’Article VI du TNP, qui demande des négociations en vue de l’arrêt de la course aux armements et du désarmement.

Le Briefing Book souligne que les États nucléaires justifient ces programmes en invoquant la sécurité de leurs arsenaux, mais en réalité, ces modernisations augmentent leur capacité militaire et prolongent la vie de ces armes, perpétuant ainsi la course aux armements. Lors de la conférence de 2022, cette question a été abordée, mais aucun consensus n’a été trouvé. Le document final, qui n’a pas été adopté, montrait un manque d’engagement clair pour stopper ces programmes.

Ces efforts de modernisation mobilisent aussi d’énormes ressources financières. En 2022, plus de 80 milliards de dollars ont été dépensés, la moitié de cette somme provenant des États-Unis seuls. Cet argent pourrait pourtant être réinvesti dans des initiatives de paix et de sécurité alternatives.

En résumé, la modernisation des arsenaux montre que les puissances nucléaires privilégient leur supériorité militaire au détriment du désarmement. Cette contradiction doit être résolue de toute urgence pour que le TNP retrouve sa crédibilité et pour que le désarmement devienne une réalité.

Le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) comme réponse

Devant l’échec du TNP à désarmer les puissances nucléaires, le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) a émergé comme une solution complémentaire pour pallier ces lacunes.

Le Critical Will – Briefing Book 2024 souligne que, le TIAN, adopté en 2017 et entré en vigueur en 2021, interdit de manière claire le développement, la possession, l’utilisation, et la menace d’utilisation des armes nucléaires. Contrairement au TNP, le TIAN ne se contente pas d’engagements progressifs ; il établit une interdiction directe, comme pour les armes biologiques et chimiques.

Le Briefing Book souligne aussi la dimension humanitaire du TIAN : il reconnaît les effets disproportionnés des armes nucléaires sur les populations autochtones, les femmes, et les enfants, et inclut des mesures d’assistance aux victimes et de réhabilitation environnementale.

Le TIAN vise à compléter le TNP en exerçant une pression plus forte sur les puissances nucléaires, les poussant à respecter leurs engagements de désarmement. Même si ces puissances n’ont pas soutenu le TIAN et ont essayé de le boycotter, de nombreux États non dotés ont soutenu cette initiative pour créer un cadre plus strict et efficace.

En remettant en question les doctrines de dissuasion nucléaire, le TIAN établit une norme qui condamne ces armes comme des instruments de terreur, incompatibles avec le droit humanitaire international. En redéfinissant le discours autour des armes nucléaires, le TIAN renforce l’idée que ces armes ne sont pas des garanties de sécurité, mais des menaces.

Enfin, le TIAN ne se limite pas à une interdiction ; il propose aussi des mécanismes permettant aux États dotés de s’y engager en suivant un processus de désarmement vérifié, avec des délais clairs pour la destruction des arsenaux. Lors de leur première réunion à Vienne en 2022, les États parties ont adopté un plan d’action pour universaliser et mettre en œuvre le traité de manière efficace.

Le Critical Will – Briefing Book 2024 montre que malgré les engagements des États dans le cadre du Traité de Non-Prolifération (TNP), le désarmement nucléaire reste un échec. Les puissances nucléaires modernisent toujours leurs arsenaux, ce qui va à l’encontre des principes du traité et perpétue une course aux armements, menaçant la sécurité mondiale et la crédibilité du TNP.

Pour surmonter ces limites, le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) apparaît comme une initiative cruciale pour revitaliser le désarmement. En interdisant catégoriquement les armes nucléaires et en adoptant une approche humanitaire, le TIAN cherche à transformer la perception de ces armes : il s’agit de passer d’une vision de sécurité basée sur la dissuasion à une sécurité centrée sur les individus et la paix durable.

Pour avancer vers un désarmement réel, il est essentiel que :

  • Les puissances nucléaires s’engagent concrètement à réduire et éliminer leurs arsenaux en suivant l’Article VI du TNP;
  • Les États non dotés continuent de soutenir le TIAN, exerçant une pression sur les puissances nucléaires tout en renforçant la coopération internationale;
  • La société civile sensibilise et mobilise l’opinion publique pour soutenir le TIAN et ses objectifs.

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