Iran : le projet de sanctions illégitime et illégal des États-Unis

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A la veille du discours de Donald Trump à l’Assemblée générale de l’ONU, les États-Unis devraient annoncer de nouvelles sanctions envers l’Iran, faisant suite au rétablissement unilatéral de Washington des sanctions de l’ONU à l’encontre de Téhéran. L’administration Trump, soupçonnant l’Iran de vouloir se doter de la bombe atomique – ce que nie Téhéran –, veut soutenir sa campagne de pression maximale contre le régime iranien. Contestée par la communauté internationale et les autres signataires du JCPOA (accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou plan d’action conjoint), son action pourrait accroître l’isolement américain et les tensions internationales. 

De nouvelles sanctions annoncées lundi

Selon un haut responsable américain interrogé par Reuters, les États-Unis devraient sanctionner, lundi, plus de deux douzaines de personnes et entités impliquées dans les programmes d’armements iraniens, nucléaires et conventionnels. Il a accusé l’Iran de posséder suffisamment de matières fissiles pour la mise au point d’une arme nucléaire d’ici la fin de l’année. Il a de plus soutenu que Téhéran avait repris sa coopération avec la Corée du Nord à propos des missiles à longue portée, sans avancer cependant un élément de preuve de ses affirmations.

S’il a refusé de nommer les cibles, il a expliqué que les sanctions concerneraient une douzaine de hauts-fonctionnaires, scientifiques et experts du complexe nucléaire iranien, mais aussi des “membres d’un réseau d’approvisionnement fournissant des biens à double usage de qualité militaire pour le programme de missiles iraniens”, ainsi que des hauts-fonctionnaires impliqués dans le programme de missiles balistiques de Téhéran.

Cette décision s’inscrit dans les efforts de l’administration Trump pour limiter l’influence régionale de l’Iran et contrecarrer son programme atomique. Elle fait suite à un mois de tension et à un revers des États-Unis devant le Conseil de sécurité des Nations Unies dans leur tentative de prolonger l’embargo sur les armes conventionnelles de l’Iran qui expire en octobre. Accusant violemment la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne d’avoir “choisi de s’aligner sur les ayatollahs”, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait déclenché une procédure controversée du JCPOA, appelée “snapback”, censée rétablir toutes les sanctions de l’ONU contre l’Iran au bout de 30 jours.

Le retrait des sanctions contre un programme nucléaire pacifique

Dans le cadre de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien signé en 2015, Téhéran s’était engagé à poursuivre un programme nucléaire strictement pacifique en échange de la levée des sanctions internationales à l’encontre du pays. Jugeant insuffisant le texte négocié par son prédécesseur, Donald Trump s’en était retiré unilatéralement en 2018, et a rétabli et durci les sanctions américaines envers l’Iran. Le JCPOA limite notamment les stocks d’uranium enrichi de l’Iran et le taux d’enrichissement. Il restreint également le nombre de centrifugeuses en activité et leur développement. En réponse au retrait unilatéral des États-Unis et à la stratégie de “pression maximale” de Washington, Téhéran s’est progressivement désengagé sur chacun de ces points depuis mai 2019, tout en restant partie à l’accord.

En représailles du sabotage de de son usine de Natanz, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) a récemment annoncé la création d’une usine “à tous points de vue plus moderne, plus grande et plus aboutie au cœur de la montagne« , près de Natanz. Dimanche 13 septembre, la même organisation a affirmé que l’Iran possédait 1 044 centrifugeuses en activité sur le site de Fordo. Selon un récent rapport de l’AIEA, l’Iran a cumulé 2 105,4kg d’uranium enrichi, soit dix fois plus que le plafond autorisé. L’accord de Vienne interdit en effet à l’Iran de stocker plus de 300kg d’uranium enrichi.

Le “snapback”, une clause controversée

Les États-Unis souhaitent désormais, face au désengagement de l’Iran, activer la procédure de “snapback” (en français, “retour en arrière”), une clause obtenue par l’administration Obama permettant de réimposer toutes les sanctions internationales à l’Iran sans craindre un veto d’un autre État en cas de triche de l’Iran. Ce mécanisme se fonde sur la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies, selon laquelle tout “État participant” à l’accord de Vienne peut saisir le Conseil de sécurité pour “non-respect notable d’engagements d’un autre participant”. Sous 30 jours, le Conseil doit proposer un projet de résolution visant officiellement à confirmer la levée des sanctions. L’État plaignant peut cependant opposer un veto à cette résolution, rendant automatique le “snapback” des sanctions.

Washington a unilatéralement proclamé, dans la nuit de samedi à dimanche, que les sanctions de l’ONU envers l’Iran étaient à nouveau en vigueur. “Aujourd’hui, les Etats-Unis saluent le retour de quasiment toutes les sanctions de l’ONU contre la République islamique d’Iran auparavant levées”, a notamment déclaré Mike Pompeo, imposant de fait un univers juridique parallèle à la réalité. En effet, Washington invoque dans une pirouette juridique le statut de “participant” à l’accord pour déclencher le retour des sanctions, alors que les États-Unis se sont retirés du JCPOA. L’administration Trump se fonde sur le motif que la résolution 2231 octroyant le statut de participant aux États-Unis est toujours en vigueur.

Tollé international

La quasi-totalité des membres du Conseil de sécurité des Nations unies, qui n’a pas donné suite à la démarche américaine, a contesté la capacité des États-Unis à se prévaloir du titre de “membre du JCPOA”. Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a rejeté dans un communiqué le droit des États-Unis à rétablir les sanctions internationales. Rappelant que les États-Unis avaient choisi de claquer la porte du JCPOA, il a indiqué qu’ils “ne peuvent pas être considérés comme un État participant à l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien et ne peuvent pas initier le processus de rétablissement des sanctions de l’ONU en vertu de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies”.

L’Iran a vivement réagi, raillant “l’isolement maximal” des États-Unis sur le dossier nucléaire iranien et appelant la communauté internationale à « parler d’une seule voix » contre les « actions irresponsables » américaines. Le président iranien Hassan Rohani a affirmé dimanche que l’Iran ne céderait pas aux « intimidations » des Etats-Unis.  “Les Américains se rendent compte eux-mêmes qu’il s’agit d’une déclaration mensongère”, a fustigé le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.

 Le ministre russe des Affaires étrangères a indiqué que les affirmations de Washington étaient juridiquement nulles. “Les initiatives et actions illégitimes des Etats-Unis ne peuvent par définition avoir de conséquences internationales légales pour les autres pays”, a-t-il expliqué dans un communiqué. Quant à l’ambassadeur adjoint russe aux Nations unies, Dmitri Poliansk, il a déclaré sur Twitter : “Nous avions tous clairement dit en août que cette manœuvre était illégitime. Est-ce que Washington est sourd ? Il est très douloureux de voir un grand pays s’humilier ainsi et s’opposer dans son délire obstiné aux autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU”.

Un dialogue de sourds et un univers juridique parallèle

Dans un communiqué commun, les ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni ont souligné que l’initiative américaine était “sans effet de droit”. Washington n’en a que faire : l’administration Trump fait désormais comme si les sanctions internationales étaient de retour, au mépris du droit international. Elle a notamment indiqué que l’embargo sur les armes était prolongé “indéfiniment”. Les États-Unis entendent de plus mettre en place un système de sanctions secondaires pour punir tout pays ou entité qui violerait les sanctions de l’ONU.

Ces sanctions extraterritoriales sont une arme internationale redoutable dans le cadre de la stratégie américaine de “pression maximale” : tout contrevenant se verrait l’accès au marché et au système financiers américains bloqué. Au-delà de la dispute juridique, le désaccord pourrait alors conduire l’administration Trump à imposer des sanctions à ses alliés européens. Cet affrontement majeur confirme l’existence d’une réalité juridique américaine parallèle sur la scène internationale, alors que le reste du monde affirme que “la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU reste inchangée et les engagements qui en découlent doivent être respectés dans le mode et le volume initialement convenus sur la base du principe de réciprocité par tous les États« .

L’élection de Biden comme ultime espoir

Si l’Iran a vivement réagi à la tentative américaine de passer outre le droit international, le pays comme la communauté internationale semblent cependant adopter une stratégie attentiste à 50 jours de l’élection présidentielle américaine. Dans un signe d’ouverture, après des mois de refus, Téhéran a finalement autorisé, fin août, l’AIEA à visiter deux sites nucléaires dont l’activité présumée remonte à plus de 15 ans. Après l’adoption d’une résolution des gouverneurs de l’AIEA en juin, l’Iran a cédé sous la pression, notamment des Européens.

Le gouvernement modéré de Rohani mise maintenant sur un échec de Trump à la prochaine élection présidentielle et une victoire du démocrate Joe Biden. Ce dernier a affirmé qu’il offrirait “une voie crédible à la diplomatie”. Les États-Unis reviendront dans l’accord si Téhéran revient à l’application stricte de ses engagements. Il a toutefois précisé que cela servirait de “point de départ à des négociations” pour “renforcer et étendre les dispositions de l’accord, tout en abordant d’autres sujets de préoccupation”. L’élection de Biden, dont la position est proche de celle défendue par l’Europe, serait synonyme d’un retour à la diplomatie, ultime espoir de relations apaisées avec l’Iran.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Études Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Au sein d’IDN, elle est chargée du pôle “Rédaction”.
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Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Études Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Au sein d’IDN, elle est chargée du pôle “Rédaction”.

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