Réduire et éliminer les risques nucléaires est d’un intérêt commun primordial pour tous les pays.
Ce samedi 17 février 2018 se tient à Munich une conférence internationale qui réunit une vingtaine de chefs de gouvernements, de ministres des affaires étrangères et de la défense et de nombreux diplomates, militaires et experts, pour échanger leurs points de vue sur la situation internationale.
A initiative de Lord Desmond Browne (ancien ministre de la défense britannique), Wolfgang Ischinger (Président de la «Fondation pour la sécurité de Munich), Igor Ivanov (ancien ministre des affaires étrangères russe), et de Sam Nunn (Sénateur américain), plusieurs anciens ministres des affaires étrangères ou de la défense de nombreux pays, dont Paul Quilès pour la France, ont adressé aujourd’hui aux dirigeants réunis à Munich deux déclarations, dont celle ci-dessous, qui appelle les gouvernements à coopérer pour réduire les risques créés par les armes nucléaires.
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère nucléaire, où une erreur fatale, déclenchée par un accident, un mauvais calcul ou une bavure, demeure le catalyseur le plus probable d’une catastrophe nucléaire. Dans la région euro-atlantique aujourd’hui, les risques sont aggravés par des tensions accrues entre l’OTAN et la Russie – avec peu de communication entre les leaders politiques et militaires – et la possibilité de cyberattaques délibérées. Sans initiative, nous continuerons à dériver vers un chemin où l’usage des armes nucléaires est rendu plus probable. Les gouvernements ont la responsabilité partagée de travailler en commun pour modérer ces risques.
- Premièrement, les leaders des États dotés d’armes nucléaires dans la région euro-atlantique devraient approuver l’idée qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être engagée.
Ce principe – défendu à l’apogée de la guerre froide par les Présidents des États-Unis et de la Russie et partagé par tous les pays européens – fut essentiel pour mettre fin à la Guerre froide. Aujourd’hui, cela signifierait l’idée que les leaders reconnaissent leur devoir de travailler ensemble pour prévenir une catastrophe nucléaire. Un accord sur ce principe clé serait également la base d’autres étapes pratiques pour réduire le risque d’une utilisation des armes nucléaires.
- Deuxièmement, les pays devraient travailler à préserver et étendre les accords et traités existants, qui sont cruciaux pour maintenir la transparence et la prévisibilité
Il ne s’agit pas juste d’une question entre Washington et Moscou. La disparition de l’architecture de contrôle des armes va dramatiquement augmenter les risques nucléaires pour tous les Européens et même le monde entier. Cette année pourrait être cruciale. Les pays de la région euro-atlantique ont un intérêt partagé à préserver le traité de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire entre les Etats-Unis et la Russie (Traité FNI), et à insister sur le respect absolu de cet accord par les parties. De même, tous ces pays ont leur rôle à jouer dans l’application absolue du traité New Start de 2010 entre les Etats-Unis et la Russie, et son extension jusqu’en 2026.
- Troisièmement, tous les pays devraient soutenir la pleine application et le strict respect du Plan d’Action Conjoint (JCPOA) sur l’Iran
Le JCPOA est un accord essentiel pour prévenir la diffusion d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Nous devrions consolider notre action à partir de ce succès au lieu de se satisfaire uniquement de son existence. Toutes les actions qui risqueraient de conduire à la disparition ou à la violation des termes du JCPOA accroîtrait les risques nucléaires dans la région et affaibliraient notre capacité à répondre aux risques nucléaires mondiaux.
Signataires de la Déclaration Conjointe du Groupe de Leadership pour la Sécurité Euro-Atlantique « Réduire les risques nucléaires »
Co-organisateurs
Des Browne
Vice-Président de la Nuclear Threat Initiative ; Président du Bureau des Administrateurs et Directeurs de l’European Leadership Network ; ancien Secrétaire d’Etat à la Défense, Royaume-Uni
Ambassadeur Wolfgang Ischinger
Président de la Munich Security Conference Foundation, Allemagne
Igor Ivanov
Ancien Ministre des Affaires étrangères, Russie
Sam Nunn
Co-Président de la Nuclear Threat Initiative ; ancien sénateur, Etats-Unis
Participants
Ambassadeur Brooke Anderson
Ancien chef d’équipe au National Security Council, Etats-Unis
Steve Andreasen
Consultant en sécurité nationale à la Nuclear Threat Initiative ; ancien directeur à la politique de défense et au contrôle des armes au National Security Council, Etats-Unis
Joel Bell
Président de la Chumir Foundation for Ethics in Leadership, Canada
Robert Berls
Conseiller pour la Russie et l’Eurasie à la Nuclear Threat Initiative ; ancien assistant spécial pour la Russie auprès du Secrétaire à l’Energie, Etats-Unis
Philip Mark Breedlove
Général de l’US Air Force ; ancien commandant de l’US European Command, Etats-Unis
William J. Burns
Président de Carnegie Endowment for International Peace, Etats-Unis
Ambassadeur Richard Burt
Président de Global Zero USA, Etats-Unis
Buzhinskiy
Président du Bureau Exécutif du PIR Center ; Vice-Président du RIAC ; Lieutenant-Général, Russie
Général Vincenzo Camporini
Vice-Président de l’Istituto Affari Internazionali, Italie
Hikmet Çetin
Ancien Ministre des Affaires Etrangères, Turquie
James F. Collins
Senior Fellow au programme Russie et Eurasie de Carnegie Endowment for International Peace, Etats-Unis
Amiral Giampaolo Di Paola
Ancien chef de la Défense ; ancien Président du Comité Militaire de l’OTAN ; ancien Ministre de la Défense, Italie
Ambassadeur Rolf Ekéus
Diplomate et Président émérite du Stockholm International Peace Research Institute, Suède
Sir Christopher Harper
Chevalier de l’Empire, Royaume-Uni
James L. Jones
Général de l’USMC ; Président de Jones Group International, Etats-Unis
Roderich Kiesewetter
Membre du Bundestag, Allemagne
Bert Koenders
Ancien Ministre des Affaires Etrangères, Pays-Bas
Łukasz Kulesa
Directeur de recherche et chef du Bureau de Varsovie à l’European Leadership Network, Pologne
Imants Lieģis
Ancien Ministre de la Défense, Lettonie
Faruk Loğoğlu
Ancien ambassadeur aux Etats-Unis et Sous-Secrétaire au Ministre des Affaires Etrangères, Turquie
Hon. Andrea Manciulli
Chef de la délégation italienne à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, Italie
Ernest J. Moniz
Co-Président de la Nuclear Threat Initiative ; ancien Secrétaire à l’Energie, Etats-Unis
Ferdinando Nelli Feroci
Président de l’Istituto Affari Internazionali, Italie
Professeur Roland Paris
Chercheur en sécurité et gouvernance internationales à l’Université d’Ottawa, Canada
Paul Quilès
Ancien Ministre de la Défense ; Président d’Initiatives pour le Désarmement Nucléaire, France
Bruno Racine
Président de la Fondation pour la recherche stratégique, France
Ambassadeur Māris Riekstiņš
Ancien Ministre des Affaires Etrangères, Lettonie
Joan Rohlfing
Chef de l’exploitation de la Nuclear Threat Initiative, Etats-Unis
Sir John Scarlett
Chef des services secrets 2004-2009, Royaume-Uni
Général Igor Petrovich Smeshko
Ancien chef des services de sécurité, Ukraine
Stefano Stefanini
Ancien représentant permanent à l’OTAN ; Bureau exécutif d’ELN ; Senior Fellow à l’Atlantic Council, Italie
Adam Thomson
Directeur à l’European Leadership Network, Royaume-Uni
Nathalie Tocci
Directrice à l’Istituto Affari Internazionali ; Conseillère spéciale de Federica Mogherini, Italie
Général Erich Vad
Professeur aux universités de Munich et de Salzbourg, Allemagne
William Wallace
Lord Wallace of Saltaire, United Kingdom
Isabelle Williams
Conseiller au Global Nuclear Policy Program de la Nuclear Threat Initiative, Royaume-Uni
Marcin Zaborowski
Ancien directeur exécutif au Polish Institute of International Affairs (2010-2015), Pologne
Une réponse
Sans doute la diplomatie exige-t-elle cette politique des petits pas, qui alertent sur le « risque nucléaire ». Cependant peut-on encore parler de « risque » lorsqu’il s’agit de l’explosion d’une bombe atomique! Ce dit « risque » n’est en aucune manière gérable, il s’agit en réalité d’une menace de la plus extrême et de la plus irréversible violence. Elle n’est d’ailleurs même pas référencée comme « risque » sur le site du gouvernement français, qui ne cite au pire que l’accident de centrale nucléaire. La raison en est simple: il n’y a pas de réelle possibilité de se protéger d’une explosion de bombe atomique. Quoi que l’on fasse, la désorganisation serait telle que rien ne permettrait une quelconque « gestion » des secours. De plus, que l’attaque soit volontaire ou bien que l’explosion soit produite après une erreur d’appréciation ou un accident, les populations visées ne bénéficieront d’aucune forme d’alerte utile. Il suffit de regarder les images des brûlés vifs et des irradiés de Hiroshima et de Nagasaki, qui ne sont qu’un pâle aperçu de ce que serait l’explosion d’une bombe actuelle, et il est peu probable qu’elle soit unique. Parler de « risque » est tout simplement une manipulation, sans doute inconsciente tant le déni est profond chez les « responsables ». Aucune mesure d’anticipation autre que l’élimination totale des bombes atomiques n’a de sens, tout autre gesticulation n’est que de la poudre aux yeux, de l’inconscience pure. Un tel aveuglement des chefs de gouvernement et de leurs « experts » qui ont ainsi intitulé leur rencontre à Munich ne peut être que d’origine traumatique, à moins qu’il ne s’agisse que de cupidité tant la manne atomique militaire est juteuse. Cette ville est-elle donc condamnée aux rencontres entre des fous et des lâches!
La seule et unique façon de supprimer ce soi-disant « risque », car ici évoquer la possibilité de le « réduire » n’a aucun sens, c’est tout simplement d’engager dès à présent et de conduire à son terme le processus de désarmement nucléaire complet, dans une concertation mondiale. C’est bien ce à quoi les puissances nucléaires se sont formellement engagées par Traité avec le TNP afin de convaincre les autres nations de ne pas faire courir ce soi-disant « risque », ingérable, à toute la planète. En réalité les puissances nucléaires demandaient aux autres de ne pas faire peser cette menace sans appel, cette préméditation de crime contre l’humanité qu’ils perpétuent pourtant, et les enjoignaient à bannir les armes nucléaires. Comment peuvent-elles y consentir avec cette absence récidivée de respect des engagements, avec ce mépris des autres nations!
Il faut dire les choses comme elles sont, cesser de se voiler la face. Les puissance nucléaires ont faillies et la prolifération est en marche, y compris chez les cinq puissances nucléarisées signataires du TNP, avec leurs programmes de modernisation terriblement coupables et hors de toute raison.
Il n’existe qu’un seul chemin pour éliminer cette abominable menace qui peut anéantir la civilisation: le projet de transition mondial vers un monde débarrassé des armes nucléaires. Voici ce qu’il convient d’exiger, et rien d’autre, maintenant.