Alors que le quatrième Sommet sur la Sécurité Nucléaire se profile (31 mars 2016), l’organisation américaine Nuclear Threat Initiative (NTI) s’alarme du ralentissement des activités des Etats sur la prévention du terrorisme nucléaire, du vol de matières nucléaires (militaire comme civil) et des cybermenaces à travers son rapport.
L’Indice NTI
Ce rapport permet de disposer d’un indice annuel de la sécurité nucléaire à travers le monde, l’Indice NTI 2016, qui évalue le degré de sécurité réalisé autour des matériaux les plus meurtriers de la planète, en l’occurrence l’uranium hautement enrichi (HUE) et le plutonium (Pu).
En novembre 2015, notre organisation – Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN) – avait déjà attiré l’attention des autorités gouvernementales françaises sur la nécessité de renforcer la sécurité des matières nucléaires militaires.
Ce récent rapport apporte des éléments nouveaux sur la réalité des dangers et sur les recommandations pour y faire face, car, comme le souligne la Présidente de NTI, Joan Rohlfing : « le système actuel de sécurité nucléaire mondial comporte de dangereuses lacunes qui l’empêchent d’être véritablement complet et efficace ».
L’Indice NTI 2016 note 24 pays – comprenant la France – qui disposent d’un kilogramme ou plus de matières nucléaires utilisables pour la fabrication d’armes, dans la catégorie « mesures de protection et de sécurité contre le vol ». Il évalue les États en fonction de cinq catégories : quantités et sites, mesures de contrôle et de sécurité, normes mondiales, engagements et capacités au niveau national, environnement des risques.
152 autres Etats, possédant moins d’un kilogramme ou pas du tout de matières nucléaires utilisables pour la fabrication d’armes ont également été évalués face au risque de vol. Pour la première fois, l’Indice NTI se penche sur une troisième catégorie d’Etats (au nombre de 45) dans un classement intitulé « risque de sabotage ». En effet, des actes de sabotage contre une installation nucléaire pourraient entraîner des rejets radiologiques significatifs avec des conséquences d’une échelle égale ou plus grande que celles dues à l’accident du site nucléaire civil de Fukushima, au Japon.
Pour la première fois, ce rapport met en avant le risque des cybermenaces. 20 Etats, possédant des stocks significatifs de matières nucléaires utilisables à des fins militaires ou des centrales nucléaires ne seraient pas préparés pour faire face à ce danger. Toujours selon ce rapport, « les installations nucléaires sont aussi vulnérables que n’importe quelle infrastructure clef [face aux attaques informatiques], alors qu’un nombre croissant d’Etats développent l’énergie nucléaire malgré des lacunes légales et sécuritaires. »
La France
Selon l’Indice NTI 2016, la France obtient la note globale de 81/100 dans la catégorie principale des mesures de protection et de sécurité contre le vol. Elle se place ainsi au huitième rang de cette liste de 24 Etats. Il faut noter que si l’on regarde le détail de cette catégorie, la France se classe au 16e rang dans l’item « quantités et sites », 10e pour « environnement des risques » et au 7e rang pour les « mesures de contrôle et de sécurité».
Le rapport donne trois recommandations, auxquelles IDN souscrit pleinement :
- Réduire la quantité des stocks militaires et le nombre de sites.
- Prévenir la menace interne.
- Améliorer les plans de protection des infrastructures nucléaires.
Recommandations globales du rapport :
Dans la perspective du quatrième Sommet sur la Sécurité Nucléaire et malgré les progrès réalisés ces six dernières années, avec le début de cette initiative (Sommet de 2010 à Washington, puis à Séoul en 2012 et La Haye en 2014), ce rapport montre que les progrès pour sécuriser, réduire et éliminer les matières nucléaires à des fins militaires ont été considérablement ralentis ces 24 derniers mois.
L’organisation NTI propose trois grandes priorités pour faire avancer le programme mondial de sécurité nucléaire. La France pourrait jouer un rôle important dans la mise en œuvre de ces mesures :
1/ Construire un système mondial de sécurité nucléaire
Cela inclus par exemple de « renforcer la sécurité et les mesures de confiances concernant les matières nucléaires militaires ». Il n’existe en effet pas encore de norme internationale couvrant ces matières qui représentent pourtant 83 % des stocks mondiaux. De même la sécurité doit être renforcée dans les sites nucléaires militaires, de nombreux incidents ayant montrés des failles sécuritaires aux Etats-Unis comme en France. De plus, pour augmenter les mesures de confiances entre Etats et connaître la réalité des stocks mondiaux, il est recommandé que les toutes les puissances nucléaires déclarent leur stock de matières nucléaires militaires. La France a jusqu’à ce jour toujours refusé de déclarer ces stocks (HUE et Pu). Une remise en cause de cette politique ne serait que positive, et irait par ailleurs dans le sens du respect de ces obligations contractées avec le Traité de non prolifération nucléaire.
2/ Maintenir l’attention politique sur la sécurité nucléaire
Le Sommet de Washington sera sans doute le dernier de ce genre. Or, il n’est pas possible que celui-ci s’achève sans une réelle dynamique. Il faut définir un plan d’action ou un mécanisme pour permettre la poursuite des progrès réalisés et pour veiller à la mise en œuvre des engagements existants. La France, acteur majeur du nucléaire civil et militaire, doit à ce titre s’assurer avec ces partenaires qu’une suite (politique, technique, …) concrète sera mise en place.
3/ Améliorer la gestion des matières nucléaires
Pour renforcer la sécurité, les Etats se doivent de décider par exemple de nouvelles mesures telles que la prise en compte du risque des cybermenaces sur leurs infrastructures nucléaires civiles et militaires ou le renforcement des mesures de sécurité contre le vol (normes, protection physique).
Lire le rapport : 2016 NTI Nuclear Security Index: Theft and Sabotage
Nuclear Threat Initiative (NTI) est une organisation américaine qui œuvre à atténuer la menace des armes nucléaires, biologiques et chimiques. NTI rassemble des personnalités de différents horizons idéologiques autour d’une mission commune axée sur les actions immédiates pour réduire le fossé entre les menaces et l’action au niveau mondial. Ted Turner, fondateur de CNN et Sam Nunn, ancien Sénateur des Etats-Unis sont co-présidents de cette organisation, dirigée par un Conseil d’administration international dont les membres viennent de neuf pays.