Rapport réalisé par le Groupe d’experts de haut niveau
de Nuclear Threat Initiative (NTI) sur la sécurité des matières nucléaires militaires
Malgré l’attention très forte accordée à la sécurité mondiale des matières nucléaires par les Chef d’Etats lors des Sommets sur la sécurité nucléaire, une lacune importante demeure : 83% des matières nucléaires utilisables pour une arme nucléaire militaire (plutonium et uranium hautement enrichi) appartiennent à la catégorie dite « militaire » et tombent ainsi en dehors du champ d’application des directives internationales de sécurité nucléaire. Pour combler cette lacune, Nuclear Threat Initiative (NTI) a mis en place un Groupe d’experts de haut niveau pour élaborer des recommandations concernant la sécurité de ces matières. Ces conclusions sont développées dans le rapport: «Matières nucléaires militaires : renforcer leur sécurité» (Bridging the Military Nuclear Materials Gap).
Une des plus grandes menaces auquel le monde est confronté est la possibilité qu’un groupe terroriste puisse acquérir et faire exploser une arme ou un dispositif nucléaire. Une attaque terroriste nucléaire dans une grande ville tuerait probablement des centaines de milliers de personnes, infligerait des milliards de dollars de dégâts, et aurait des effets profonds sur la sécurité mondiale, l’économie mondiale et notre mode de vie. Les effets d’une telle attaque dépasseraient sans aucun doute les frontières nationales, obligeant de ce fait à apporter une réponse globale à une menace mondiale.
Aujourd’hui, plus de 1800 tonnes de matières utilisables pour des armes utilisables – de l’uranium hautement enrichi et du plutonium – restent stockées dans des centaines d’installations à travers 24 Etats ; certaines sont mal sécurisées et vulnérables. De récentes infractions et incidents de sécurité dans des installations nucléaires illustrent que les gouvernements doivent faire plus pour sécuriser ces matières dangereuses et les garder hors des mains des terroristes.
Au cours des dernières années, les dirigeants politiques ont porté davantage leur attention sur la sécurité des matières nucléaires à travers les Sommets sur la sécurité nucléaire. Cependant, en dépit des efforts importants pour mieux sécuriser ces matériaux dans un certain nombre de pays, il n’y a toujours pas de système mondial efficace pour savoir comment toutes ces matières nucléaires militaires doivent être sécurisées. La mise en œuvre de lignes directrices internationales existantes reste loin d’être universelle et il n’existe aucun mécanisme pour juger des pays responsables du manque de sécurité sur leur installation nucléaire.
En outre, les mécanismes qui existent s’appliquent à une toute petite fraction des matières nucléaires militaires ; ce sont les 17% utilisé pour des applications nucléaires à des fins pacifiques. Le reste -83 %- est généralement classé comme « matière militaire » et se trouve donc hors de portée des normes internationales actuelles en matière de sécurité, de mécanismes et de mesures de confiance.
Cette distinction concernant les matières militaires est dangereuse. Elle crée un risque de sécurité significatif et constitue un obstacle majeur à l’établissement d’un système mondial de sécurité. Les terroristes qui veulent voler des matières nucléaires ne feront pas la distinction entre des matières nucléaires civiles et militaires. Ils chercheront à obtenir ces matières à partir du lieu le plus vulnérable et le moins protégé. Voilà pourquoi les normes internationales de sécurité nucléaire ne doivent pas se limiter aux matières civiles, mais doivent s’appliquer à toutes les matières nucléaires qu’un terroriste pourrait utiliser pour construire un dispositif nucléaire.
Pour contrer ce risque, l’organisation Nuclear Threat Initiative (NTI) a créé un groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité des matières militaires pour examiner cette question. Ce groupe d’étude est composé d’anciens militaires et haut-responsables de la sécurité de Chine, de France, du Pakistan, de Russie, du Royaume-Uni et des États-Unis. Le présent rapport est fondé sur les conclusions du Groupe d’Experts, qui décrit les étapes que les gouvernements devraient adopter pour réduire le risque de terrorisme nucléaire :
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- Renforcer la sécurité des matières militaires
- Renforcer les mesures de confiance concernant la sécurité de ces matières tout en protégeant les informations sensibles
- Renforcer le système mondial de sécurité nucléaire pour couvrir toutes les matières nucléaires, y compris les matières militaires, en abordant ce sujet au Sommet sur la sécurité nucléaire de 2016.
Lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de La Haye (2014), les dirigeants de plus de 50 pays ont déclaré dans leur communiqué final « Nous réaffirmons la responsabilité fondamentale des États, conformément à leurs obligations respectives, de préserver à tout moment la sécurité effective de toutes les matières nucléaires et autres substances radioactives, y compris celles utilisées dans les armes nucléaires, et de toutes les installations nucléaires relevant de leur compétence. Cette responsabilité consiste également à prendre les mesures appropriées pour empêcher que des acteurs non étatiques obtiennent de telles matières – ou l’information ou la technologie qui s’y rattache – susceptibles d’être utilisées à des fins malveillantes, et pour prévenir les actes de terrorisme et de sabotage. »
Le Sommet sur la sécurité nucléaire de 2016 qui aura lieu à Washington va offrir une occasion importante pour les gouvernements de respecter ces engagements et de prendre des mesures concrètes afin d’établir un véritable système mondial de sécurité nucléaire.
Lire le rapport: Bridging the Military Nuclear Materials Gap
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Nuclear Threat Initiative (NTI) est une organisation américaine qui œuvre à atténuer la menace des armes nucléaires, biologiques et chimiques. NTI rassemble des personnalités de différents horizons idéologiques autour d’une mission commune axée sur les actions immédiates pour réduire le fossé entre les menaces et l’action au niveau mondial. Coprésidé par Ted Turner, fondateur de CNN, et Sam Nunn, ancien Sénateur des Etats-Unis, elle est dirigée par un Conseil d’administration international dont les membres viennent de neuf pays.
Paul Quilès, ancien ministre de la Défense et le Général Bernard Norlain, fondateurs de l’association Arrêtez La Bombe, participent activement à de nombreux échanges et travaux avec le Vice-président de NTI, Lord Des Brown.